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14 mars 2012 3 14 /03 /mars /2012 14:49

Que signifie ce chant ? Que symbolisent donc cet aigle, ces éléments du temps, passé ou présent,  jour ou nuit? Quel message, quelle parole l'aigle ou ce qu'il représente tente-t-il de dire au narrateur? Quelle spiritualité peut bien représenter ce ciel, et sur quelle terre sous-entendue serait-il question d'un sommeil? L'explication de texte qui va suivre part du principe que ces questions peuvent ne pas avoir été posées. Quoi qu'il en soit, il est trop tard pour demander à l'auteur quelle était son intention. A moins qu'il n'existe des notes quelque part. Ce texte peut en tout état de cause représenter des similitudes troublantes avec l'espoir d'un peuple multimillénaire, mais qui a pu par moments se décourager ou oublier l'issue de son histoire, et de sa rédemption. Des parallèles vont être établis ou du moins suggérés dans ces lignes.

Le titre: l'aigle représente une puissance supérieure sur laquelle on peut se reposer, comme des enfants rassurés et confiants sous la protection de leur père. «Tel l'aigle qui éclaire son nid, qui couvre ses enfants de ses ailes» (Deutéronome 32, 11). Or, l'aigle du chant est dépeint en noir, l'obscurité, le contraire de la lumière. Cette clarté du Père qui est aux Cieux a été donc perdue de vue, oubliée, éclipsée par l'orage et les vicissitudes d'un long exil où la langueur s'est installée dans une longue hibernation,  sommeil de l'hiver de cet exil.

Un beau jour ou peut-être une nuit
le temps de la rédemption, d'après la tradition rabbinique, ne se situe ni la nuit ni le jour, mais «entre les soleils», entre le coucher du soleil et la sortie des étoiles. «Ce sera vers la fin de la journée, ni le jour ni la nuit… ce soir jaillira la lumière» (Zacharie 14, 7). Quant au parallélisme qui fait correspondre chaque jour de la création à un millénaire de l'existence terrestre, il nous ramène au crépuscule du sixième millénaire, après l'an 5700 du calendrier hébraïque.

Près d'un lac je m'étais endormie
L'eau purifie, elle extirpe des profondeurs de l'abîme. Elle attribue une renaissance au corps et à l'âme. L'immersion précède la réunion allégorique du bienaimé et de la bienaimée du Cantique de Salomon. Cette eau se tient là, endormie aussi, sous la forme immobile d'un lac. Autrement, l'eau symbolise la Torah, qui permet l'entretien immuable et indéfectible de la flamme, identité et espérance fidèles.

Quand soudain, semblant crever le ciel
Et venant de nulle part,
Surgit un aigle noir.

Après des siècles d'immobilité, tout se met très vite en mouvement. Il est bien question ici d'une force transcendante, qui ne vient pas du monde de la création mais au-delà. Cet aigle représente la force motrice qui concrétisera la délivrance de l'exil. Le symbole de l'aigle remonte à une époque antérieure, comme nous le verrons plus loin.
Lentement, les ailes déployées,
Lentement, je le vis tournoyer
Près de moi, dans un bruissement d'ailes,
Comme tombé du ciel
L'oiseau vint se poser.

Les moyens mis en œuvre pour accomplir la délivrance s'adaptent à la vitesse limitée de celui qui est sauvé. Trois articulations évoquent le mouvement aérien: «tournoyer», «bruissement», «tombé». Le premier est perceptible par le regard, «je le vis», le deuxième par l'ouïe, le «bruissement» émettant un son; et le troisième conjointement par ces deux sens.
Ces trois articulations peuvent faire allusion aux trois délivrances: Egypte, Babel, Edom.
Il avait les yeux couleur rubis
Et des plumes couleur de la nuit
À son front, brillant de mille feux,
L'oiseau roi couronné
Portait un diamant bleu.

Nous retiendrons ici  les nouveaux éléments suivants: le rubis, évocateur de la braise, de l'autel de Jérusalem, «Un feu permanant brûlera sur l'autel» (Lévitique,6, 6). La pleine délivrance verra la restauration de l'autel en son lieu d'origine ; le diamant bleu se rapprocherait donc quant à lui à la couleur saphir du Trône céleste. (L'Exode 24).

De son bec, il a touché ma joue
Dans ma main, il a glissé son cou

le bec, makor dans les textes hébraïques, est l'homonyme de la source, ou du ressourcement. Le cou, à l'opposé de la fameuse nuque raide, est une valeur absolue et inébranlable qui résistera à tous les entêtements négatifs. Le Roi des Rois, symbolisé par l'aigle, vient rappeler que les valeurs qu'il a inculquées à sa création résisteront à toute doctrine ou culte étrangers. La main, les actes, doivent suivre non pas la nuque raide de l'homme réfractaire, mais la Torah inaltérable de son D.
C'est alors que je l'ai reconnu
Surgissant du passé
Il m'était revenu
.
Ce passage confirme l'explication suggérée plus haut: le passé, c'est-à-dire l'époque de la sortie d'Egypte, quand l'extraction du peuple hébreu et son déplacement vers le Sinaï sont comparés à l'action qu'effectuerait un aigle: «Et je vous rapporterai sur les ailes des aigles» (L'exode 19, 4).

Dis l'oiseau, o dis, emmène-moi
Retournons au pays d'autrefois

Le pays d'autrefois, la terre de Canaan.


Comme avant, dans mes rêves d'enfant,
Pour cueillir en tremblant
Des étoiles, des étoiles.

Ces lignes expriment une prière explicite pour que le cœur blasé redevienne capable de vibrer. «Je retirerai le cœur de pierre et je mettrai en vous un cœur de chair» (Ezéchiel, 36, 26). Les étoiles symbolisent la descendance nombreuse, mais également la restauration de la royauté de la tribu de Yéhouda: «Je le perçois, mais il n'est pas encore temps. Une étoile surgira de Jacob… et Israël vaincra, un souverain va naître de Jacob» (Les Nombres 24, 17-19).

Comme avant, dans mes rêves d'enfant,
Comme avant, sur un nuage blanc,
Comme avant, allumer le soleil,
Être faiseur de pluie
Et faire des merveilles.

Dans ce passage, «comme avant» apparaît trois fois. On peut y voir les trois installations d'Israël en ses frontières: après les trois exils susnommés. L'enfance représente le début de l'histoire d'Israël en tant que peuple ; le nuage blanc évoque la nuée qui guidait les Hébreux dans le désert, et la symbolisation de la Présence divine au dessus du Saint des Saints, à Jérusalem, ville dont l'un des nom est «la Blanche» (Lebanon). (Deutéronome 3, 25) ; «allumer le soleil», c'est le candélabre, la Ménorah, allumée quotidiennement dans le Temple ; et la pluie, c'est la quantité d'eau qui doit tomber pendant l'année et qui est décidée par décret céleste au moment de la fête de pèlerinage des Cabanes (Souccoth) (Talmud Rosh Hashana 1a).  
L'aigle noir dans un bruissement d'ailes
Prit son vol pour regagner le ciel

Quatre plumes, couleur de la nuit,
Une larme, ou peut-être un rubis
J'avais froid, il ne me restait rien
L'oiseau m'avait laissée
Seule avec mon chagrin

Un beau jour, ou était-ce une nuit
Près d'un lac je m'étais endormie
Quand soudain, semblant crever le ciel,
Et venant de nulle part
Surgit un aigle noir.

La fin semble présager un échec, comme si la poétesse avait raté l'appel de l'aigle venu pour la ramener dans son pays d'autrefois, où rayonne le soleil de la foi.

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commentaires

D
Cher Monsieur,<br /> <br /> J'ai lu beaucoup d'interprétations différentes de cette chanson, vraiment beaucoup. Mais la vôtre est de très loin la plus délirante ! Vouloir transformer la merveilleuse chanson de Barbara en un parallèle avec l'histoire du peuple d'Israël est une illustration sans équivalent! vraiment n'importe quoi!!!! Non, mais je rêve!!!
Répondre
V
Avez-vous contrôlé vous-même la similitude frappante entre la chanson et les sources bibliques ?
V
Quoi qu'il en soit, le texte de Barbara est une suite de traductions ou de paraphrases de versets bibliques, qu'elle l'ait cherché ou non.
Y
un cœur de chair
Répondre
Y
M. Courtois, ce texte est moins une interprétation que la mise en évidence de parallèles entre le texte de la chanson et les sources, car il se trouve que cette chanson est composée d'un enchaînement d'extraits des sources littéralement traduits. Est-ce ou non une coïncidence?