Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
7 novembre 2023 2 07 /11 /novembre /2023 20:26

Face à un mauvais déchiffrage des intentions de l'ennemi, qui s'impose comme une constante qui dure depuis cinquante ans, de l'agression d'Israël du 5 octobre 73, largement perçue comme une attaque-surprise, et jusqu'à l'avalanche de pogroms et rafles du 7 octobre 23, le lendemain de Souccot, cette année, la question que l'on se pose avec raison, c'est comment il est possible de ne pas se remettre pendant tout un jubilée, de cette conception fondamentalement fautive. En Israël, le terme a été adopté et hébraïsé sous la forme de «contseptziya».

Et que l'on ne vienne pas nous raconter que ce serait dû aux origines géographiques des dirigeants politiques et militaires, qui n'ont pas vécu dans des régions soumises à l'islam, que ce serait parce qu'ils n'ont pas connu la précarité des conditions notamment en Afrique du Nord qui faisait le quotidien des dhimmis, socialement inférieurs et diminués. Car qu'ils aient grandi en Russie ou en Pologne, ou qu'ils soient nés en Israël dans un pays déjà souverain, ils ont largement eu le temps et de multiples occasions d'apprendre à qui on a affaire avec les véhiculeurs de l'état d'esprit de ce culte politisant de la haine et du mépris.

La deuxième question qui se pose en Israël, ne se réfère plus au pourquoi de cet entêtement borné à ne rien comprendre. Ce qu'il devient urgent de se demander, c'est comment il est à ce point possible que ce sont toujours ces mêmes disciples de la croyance messianique laïque d'un hypothétique Nouveau Moyen-Orient en devenir, où les scorpions venimeux se métamorphoseraient en d'inoffensifs cloportes (respectons l'allégorie biblique du loup, du mouton et du chevreau d'Isaïe XI, 6), qui tiennent invariablement les rênes du pays.

Des gens qui se montrent tellement persuadés que par l'invincibilité (supposée ou non) de notre armée, la dissuasion est si tangible que jamais ils n'oseraient nous attaquer, ne pouvant au grand maximum se laisser aller à de la simulation fanfaronne. C'est pourtant l'explication du général Aaron Haliva, actuel chef du Renseignement (Roch Aman, contraction d'Agaf Hamodi'in, département de l'intelligence), non pas en prévision de l'attaque du 7 octobre 23, mais chronologiquement après qu'elle a déjà commencé, quand les «observatrices» (traduction littérale de תצפיתניות), ont fait levé un hélicoptère pour contrer l'intrusion de miliciens terroristes armés. Ori Meguidech[1], de Kiryat Gat, libérée par une opération de Tsahal, faisait avant de tomber en captivité partie d'une équipe de sept observatrices, dont quatre sont encore à ce jour portées disparues. Elles ne se sont pas abstenues de lancer un maximum d'alertes, dont le commandant de la région Sud, Yaron Finkelman, commandant de la région Sud depuis le 9 juillet dernier, a été averti, optant cependant pour l'idée d'un simple exercice de simulation. Mais il n'a pas été le seul. Le chef d'état-major et le chef du Shin Beth ont tous deux été alertés depuis la veille[2] de cette offensive. C'était couru d'avance.

Il y a bien eu un appel, quand cette catastrophe a pris le pays de court, à désigner en urgence le lieutenant-général Ofer Winter[3] comme commandant de la région Sud, mais sans succès. Il ne fait pas partie de toute cette école héritée des théories des territoires contre la paix, dont les conséquences politiques et géographiques ont préparé le terrain et conduit à la catastrophe nationale du 7 octobre. Winter a fait ses preuves dans l'armée, mais déjà, Eisenkot, encore chef d'état-major, l'avait empêché de gravir les échelons. Eisenkot lui a préféré Finkelman, susnommé, bien qu'il eût fustigé ce dernier pour le vol de 33 fusils M16 par des bédouins en mai 2017 de la base Sedé Téman. Finkelman était alors commandant de la brigade de Guivati. S'il est vrai qu'Aviv Kokhavi avait en son temps fait d'Ofer Winter le commandant de la division 98, Hartzi Halévy, donc actuel chef d'état-major, a décidé de l'écarter du cercle de l'attribution des dernières nominations à la tête de Tsahal (mercredi 1 nov.). Serait-il erroné de faire un rapprochement entre cet oubli du général laissé pour compte et sa kippa ? S'identifierait-on quelque part davantage aux prophètes Pérès et Rabin qui se réappropria l'Ecclésiaste (III, 8) à la cérémonie de la signature des accords d'Oslo qu'à ceux de la tradition biblique d'Israël ?

La troisième question est la suivante : Est-il seulement possible d'être aveugle et borné à ce point ? Au point de ne pas voir en 73 (et nous nous limiterons au début de la boucle des attaques-surprises) que les Égyptiens sont sur le point d'attaquer et d'envahir Israël ? Elie Zeira est alors chef du renseignement militaire (Roch Aman, donc). Moshé Dayan est ministre de la Défense. Tous deux se montrent persuadés que les Égyptiens n'attaqueront pas. La commission Agranat, qui a diligenté une vaste enquête sur les manquements de la guerre de Kippour, sur le fameux effet de surprise, désigne Zeira comme le plus grand responsable de l'échec du renseignement. Shimon Agranat est alors président de la Cour suprême, d'où le nom. Mais ne vous inquiétez pas pour Zeira, il n'a pas payé pour ses manquements. Forcément, il ne l'a pas fait exprès, en principe.

À présent, considérons le gendre d'Abdel-Nasser, Ashraf Marwan, époux de sa fille Mona. Dès 1970, il entre au service du Mossad, et fournit de très sérieuses informations sur les préparatifs militaires égyptiens pour la guerre. Son nom de code est : «l'ange». Quatorze heures avant l'attaque de Kippour, il rencontre à Londres Zwi Zamir, chef du Mossad, et l'avertit de ce qui se trame. Zamir en informe immédiatement le gouvernement. Si beaucoup furent libérés pour Kippour, ce qui a bien entendu été très remarqué sur le front égyptien, avec une ligne Bar-Lev quasi déserte, le Golan fut néanmoins mieux préparé. Marwan a été formel :

: «La guerre est pour demain».

L'identité réelle de Marwan a été révélée au grand public progressivement, au départ de la parution des mémoires de Zeira, en 1993. Mais ce n'est qu'en 2002 que le journaliste Ronen Bergman donne son nom à Londres. Suite à un arbitrage, le vice-président de la Cour suprême israélienne, Théodor Or, en 2007, rend son verdict : c'est bien Zeira qui a communiqué à des journalistes l'identité de Marwan qui fait une chute mortelle de son balcon, à Londres, la même année, alors qu'il a quitté le Mossad en 1998[4].

Alors, Dayan savait ? Ecoutons ce qu'en dit cet ancien chef du Mossad, Yaïr Ravid[5], qui exerça entre autres comme responsable local de la branche du Mossad à Beyrouth : «Kissinger avait son idée. Les Juifs ne viendraient pas parlementer avec les Arabes s'ils ne perdent pas de sang. Kissinger disait : "Laissez-les perdre leur sang, les Juifs"…» Ravid reconnaît d'emblée qu'il ne dispose d'aucun document qui permettrait d'établir un lien d'accointances à même de compromettre Dayan et Zeira. Il déplore néanmoins que la question sinon d'une directive du moins d'une demande américaine n'a pas été soulevée par la commission Agranat.

A suivre, donc…

 

[1] https://www.israelhayom.co.il/news/defense/article/14768816

[2] https://www.ynet.co.il/news/article/rkznhfh11a

[3] https://www.ynet.co.il/news/article/by7tzrgnn

[4] A lire : Ouri Bar-Yossef, Université de Haïfa, l'Ange : Ashraf Marouan, le Mossad et la surprise du jour de Kippour, 2018, 3ème édition, éditions Kinnert Zmora-Bitan Dvir, fondées en 1919.

[5] https://www.youtube.com/watch?v=JIbxYggKLnM

Partager cet article
Repost0

commentaires