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5 juillet 2022 2 05 /07 /juillet /2022 22:04
On y mettra le temps, mais on finira par comprendre

 

Le charlatan milliardaire et le banquier devenu président de la République
Il était une fois un charlatan multirécidiviste. Périodiquement, il mettait au point des produits, dont il vantait les effets thérapeutiques révolutionnaires et miraculeux. Comme ils étaient nocifs et ne pouvaient être vendables que jusqu'à leur interdiction qui n'aurait su tarder, il devait sans cesse en inventer d'autres. Ce n'était pas un problème, car il avait à son service moult chercheurs et biologistes. Néanmoins, ses revers coutumiers rendaient son parcours financier chaotique.
Chaque fois qu'un nouveau remède voyait le jour, top chrono ! C'était la course contre la montre. La durée d'exploitation génératrice de richesse était inversement proportionnelle à la réactivité du système judiciaire : effets néfastes, signalements, expertises et contre-expertises, instruction judiciaire... On n'aurait su sur ce plan en vouloir à la justice.
Il faut toujours un certain délai pour qu'un produit administré fasse des morts ou des blessés, pour mettre en relation la cause et les effets. Puis venait la saison des suspensions et des amendes. Mais fort à propos était lancée la saison nouvelle de la dernière trouvaille. Ainsi allait bon train le cycle des affaires. Les amendes s'inscrivaient donc dans la liste des dépenses et autres investissements. Elles étaient tout simplement partie prenante dans sa stratégie commerciale, car la recrudescence de ses gains tournait toujours largement à son avantage.
Seulement, voilà… Un beau jour, la note d'investissement fut bien plus lourde que d'ordinaire. En l'an 09, Deux milliards quatre cents millions. Ne pas s'en acquitter signifiait la banqueroute ou la prison, ou les deux. Vous pensez! Heureusement pour lui, il avait un ami dans un lointain pays. Et ce qui tombait vraiment bien, c'est que cet ami travaillait comme cadre dans une grande banque. D'autres filiales entraient dans la composition du patrimoine du charlatan : la branche alimentaire. Ce monsieur dévoué allait donc délester sa nacelle : ce dernier secteur fut donc revendu pour un montant astronomique au géant d'un pays neutre qui s'était enrichi dans la gastronomie. Il semble que le nom de ce lieu fût Ganav.
Le géant sauva la mise au charlatan. La dette fut payée, et les affaires reprirent. Bon an mal an, la balance se rééquilibra, quoique, quelques années plus tard, vers l'an 20, une certaine morosité finit par se ressentir. Le charlatan se souvint de son ami. Il pourrait le tirer de l'ornière. Bien entendu, il n'avait jamais été question de se faire dépanner gratuitement. Le banquier avait touché pour sa démarche un bon paquet de millions, qui furent volatilisés ou placés en un lieu sûr caché des regards et des contrôles fiscaux. L'histoire ne le dit pas. Ce fut lui qui réfuta tous les soupçons qui pesaient sur sa façade irréprochable, lorsqu'il répondit narquois et rigolard, s'interdisant – quel tact – le pied-de-nez, que quiconque eût des griefs à son égard et pensât que sa conduite fût illégale, eh bien ! qu'il allât au pénal. Ce malin et coquin copain pourrait bien user de ses prérogatives et de son immunité sacrée pour remettre le marchand de remèdes sur les rails de la prospérité.
«Dis-moi, c'est un peu moribond en ce moment, les affaires, chez moi. Tu ne pourrais pas me donner un petit coup de fouet?
- Eh bien, figure-toi que tu ne peux pas tomber mieux. Tu n'es pas sans savoir que de banquier, je suis monté en grade. Je suis président d'une sacrée république. En quoi puis-je t'aider ?
- Eh bien, tu sais la pandémie, là…
- Ah oui !
- J'aurais peut-être un remède. Puisque c'est un virus, eh bien figure-toi que je viens de mettre au point un vaccin.
- Ah?? Et ça marche?
- Ben, on ne sait pas trop, il faudrait attendre quelques mois.
- Et ce n'est pas dangereux?
- Je viens de te dire qu'il va falloir attendre.
- Suis-je bête. Donc, laisse-moi deviner. Tu voudrais que je t'aide à vendre ta camelote.
- C'est ça. Le problème, c'est que les gens ne sont pas très chauds. Ils ne veulent pas admettre que l'épidémie inédite est bien plus dévastatrice que les fléaux du Moyen-âge. J'ai pignon de rue sur grand nombre de médias, et d'éminents présentateurs matraquent tous les soirs le nombre de victimes à la télé, en cumulant bien sûr celles de la veille, l'avant-veille, et de tous les autres jours. Mais les sceptiques sont coriaces. Ils rigolent et demandent à mes obligés friands de confinements où ils voient les cadavres qui jonchent la chaussée. Le pire, c'est que certains médecins osent insinuer ou franchement prétendre que de très peu coûteux anciens remèdes feraient l'affaire.
- Mais alors, comment tu comptes faire pour les convaincre ?
- C'est on ne peut plus simple. Moi, j'ai l'argent pour payer des médecins à vanter mon produit à longueur de temps. Ils passent en boucle dans tous les bulletins Tv. Ils prennent des poses, et les récalcitrants sont traités de dangereux charlatans. Je m'y connais, ce n'est pas à un vieux singe que l'on apprend à faire des grimaces. Fussent-ils d'éminents chercheurs ou médecins, leur continuum cognitif est remis en question. Mais toi, tu as le pouvoir de les faire taire. Oser guérir avec de la quinine, alors que mes labos ont mis au point une médecine révolutionnaire ?! Toi, président, tu as non seulement le pouvoir de les faire rayer de l'ordre, mais tu peux aussi interdire la vente de ces produits qui n'arrangent vraiment pas mes affaires.
- Mais, et si ton procédé n'immunise pas et qu'il se révèle en plus de ça dangereux, je risque de perdre la face, non ?
- Penses-tu ? Alors là, c'est encore plus simple. Si c'est raté pour l'immunité, on fera simplement courir le bruit que ça protège des formes graves.
- Et si les gens meurent quand même?
- Alors il faudra dire que c'est à cause d'autre chose, ou que, c'est une réalité scientifique que seuls des imbéciles peuvent contester, jamais l'efficacité d'un médicament ne fonctionne à 100%. Ce n'est pas un produit miracle, tout de même?
- C'est bien ce qui m'inquiète. Et si des gens s'effondrent peu après l'injection?
- Alors là, il faudra bien affirmer sur un ton convaincant que non, ça n'a rien à voir avec l'injection.
- Et s'ils n'acceptent pas de telles explications?
- Alors il faudra discréditer les détracteurs, quitte à inventer des nouveaux mots s'il le faut. Complotiste, antivax, que sais-je.
- Ah, je vois. Eh bien, ne t'inquiète pas, mon vieil ami. Grâce à mes prérogatives et aussi du fait que j'entre et sors au Parlement continental qui a depuis longtemps pris l'habitude de l'alignement des pays membres, dans peu de temps, tu pourras dire que tu n'auras jamais gagné autant.
- Mais, un instant, quelque chose m'inquiète.
- Qui a-t-il, mon ami?
- Tu es devenu dictateur, ou simplement président d'un système parlementaire qui ne saurait être autocratique.
- Je comprends ton inquiétude. En effet, les décisions du gouvernement doivent être entérinées par toute une série d'instances : le parlement, le sénat, le conseil constitutionnel.
- C'est embêtant…
- Mais non. Ce n'est qu'une série de banales formalités. Les députés sont tellement conditionnés qu'ils ne voudraient surtout pas passer pour des irresponsables qui entraveraient la bonne marche sanitaire des choses. Ils ne se cassent pas trop la tête, et je te garantis que ça vole au ras des pâquerettes. Et puis, si, en dernier recours, tu as peur que le Conseil constitutionnel te fasse rater l'affaire, sache que son président n'en est pas à son premier coup d'essai. Une magouille médicale a fait de lui le responsable du décès de plus de quatre mille personnes, mais bon, c'est antédiluvien. Tu aurais pu penser qu'il prendrait perpète, mais au lieu de ça, il s'en est tiré avec une pirouette : responsable mais non coupable, qu'il leur a dit. Quelle blague! Non, tu n'as pas à t'inquiéter. Il sait protéger par ailleurs ses intérêts familiaux. Imagine-toi que son fils est directeur associé d'un certain cabinet de conseil et qu'il s'apprête à prendre en main la diffusion de ton produit.
- Ah, là, tu me rassures. Mais j'ai quand même comme un pressentiment…
- Je vois. Alors écoute-moi bien, mets tout de suite de l'argent de côté pour tes prochaines amendes et mets-toi vite au travail pour mettre au point de nouveaux produits quand le tien sera interdit. Mais ne t'angoisse pas trop, tout de même. D'abord, la mise au ban des détracteurs a toujours cours. Et puis, plus le temps écoulé après la ou les injections sera long, moins les victimes de malaise ou de mort subite feront le rapprochement.»
 
 
 
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