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Accuser Israël : la drogue apaisante et destructrice de l'Occident
Accuser Israël de crime apaise comme une drogue la conscience malade de l'Occident tout en le détruisant.
Antisémitisme, antisionisme, «palestinisme», «islamophilie», le cercle vicieux devenu infernal
La fausse morale humanitaire émanant du monde libre qui met de façon fracassante Israël au pilori est simultanément salvatrice et apocalyptique pour l'Occident.
1 Le dédouanement
L'Europe moderne se veut depuis un certain temps déjà l'aboutissement de la civilisation. Elle incarne la perfection, la totale maîtrise des instincts belliqueux et destructifs, le couronnement du modèle civilisationnel humain, dont les traits de caractère ont tous été transfigurés pour le meilleur des mondes.
Donc l'Europe ne parvient pas à se remettre de l'anachronisme que représente la Shoah. Car bien que le vingtième siècle soit révolu depuis un quart de siècle, d'aucuns se rappellent certainement la formule qui, par excellence, voulait dire que telle idée, attitude, tendance etc., était tout autant abjecte qu'impensable que l'époque ne la permettait plus : «Comment? Au vingtième siècle?» Ah, oui, en effet, cette idée, tendance, aspiration, etc., est trop primitive et bestiale pour être défendue. Il était remarquable, à cette époque, que cette interjection suffisait à elle seule, sans nécessiter le moindre argument, à remettre n'importe quel agité à sa place, brusquement refroidi et remis de sa dérive dont il prenait soudain conscience vers un état trop sauvage. Jamais on n'objectait : «Comment ça? Au vingtième siècle? Qu'aurait-il donc de si raffiné, ce siècle qui est quand même le siècle de deux guerres mondiales, et de la Shoah? Pardons, avant ce siècle, les guerres n'étaient pas encore mondiales, et l'antisémitisme ne pourchassaient pas les Juifs d'une façon tellement systématique!»
Personne n'aime être assimilé à une société de bourreaux et de lâches, qui profite de sa force démesurée pour écraser des groupes humains qui ne sont pas en mesure de se défendre, surtout s'ils ne vous ont rien fait. Le cas échéant, on peut se soulager la conscience en dédramatisant, ou en relativisant. En fait, au lieu de considérer qu'il y a des bons et des méchants, on va considérer les tenants et les aboutissants comme si le monde était une vaste arène de jeux, de jeux de rôles plus précisément.
Dès que l'on se transpose d'un positionnement qui oblige à assumer ses responsabilités à une place provisoire que l'on n'occupe non plus fondamentalement mais furtivement, tout change. Reconsidérons succinctement l'expérience de Milgram sur les comportements humains. Vous savez, celle qui consiste à répartir deux rôles entre deux candidats, l'un devant infliger des tortures à l'autre, chaque fois qu'il ne répond pas correctement à une question, sous la forme d'une décharge électrique dont l'intensité augmente à chaque échec? En tant qu'homme, avec tout ce que ça implique, le participant devrait en principe refuser catégoriquement de se laisser aller à de telles extrémités. Mais là, c'est un rôle, et de surcroît un rôle interchangeable tiré au sort: vous faites subir au même titre que vous auriez pu subir, ce n'est pas vous qui êtes en cause, puisque c'est un jeu et surtout puisque c'est fortuit, occasionnel. En termes encore plus simples, penchons-nous une seconde sur le jeu d'enfants : «Ce ne sera pas toi le chat!» Pour peu que l'enfant désigné comme tel appréhende cette incarnation comme celle du méchant, ses camarades lui rappelleront que c'est juste un jeu, qu'au prochain tour ça tombera sur un autre, et que, puisque c'est juste le temps d'une récré, que cette non-affaire ne fera pas de lui pour toujours un «chat». Notre expérimentateur adulte et notre enfant sont rassurés.
Donc, l'Européen et le Juif n'ont fait qu'occuper des rôles occasionnels. Pas de bon, pas de méchant ; en d'autres termes : «Bon, d'accord, mais si vous aviez été en position de force et nous de faiblesse, c'est vous qui nous auriez fait ça.» Rien n'est intrinsèquement imprimé dans le patrimoine génétique de n'importe quel intéressé. Tout n'est qu'une question de circonstances. «Vous auriez fait pareil», voire : «Vous auriez fait pire» ; c'est la meilleure façon de retrouver le sommeil du juste.
Néanmoins, tant que cette affirmation ne reste que théorique, il reste un petit quelque chose qui empêche encore de faire de beaux rêves. Il faut trouver une application illustrative à cette véritable inversion des rôles. Et à défaut de pouvoir retrouver le Juif s'adonner au massacre systématique de populations européennes avec trains et camps et tutti quanti, l'inversion parfaite n'étant pas disponible en magasin, on inventera au Juif une victime qui sera maquillée, puisque tout n'est que jeu et cinéma, en minorité sans défense, en l'isolant de son groupe d'appartenance beaucoup plus vaste dont elle n'est que le fer de lance, en d'autres termes : le Juif du Juif.
Le problème, c'est que, quoi qu'il arrive, il ne sera pas possible de couper complètement cette fausse victime du Juif de son vaste contexte, sans compter que ce sous-ensemble arbitrairement considéré comme autonome est vraiment mal choisi. Nous l'allons montrer tout de suite. Pour commencer, comme le Juif est une nation, il faudra définir une nation par lui maltraitée. Il est d'autant plus nécessaire de la définir qu'elle n'existe pas. Mais un procédé facile permet d'y remédier : il se fondera sur une aire géographique toute désignée : comme le Juif rentre dans son pays, il suffira de lui voler ce pays et de considérer tout non-Juif qui s'y trouve comme nouveau membre du sous-ensemble national recherché. Jusqu'aux fatidiques accords d'Oslo, tout individu domicilié à Gaza, en Judée, Samarie, région de Benyamin, Sud du Mont Hébron, était porteur depuis 67 d'une carte d'identité orange délivrée par l'Administration civile israélienne, carte à présenter pour toute démarche ou contrôle. Cette carte orange ressemblait à s'y méprendre à la carte d'identité courante israélienne, sauf qu'elle mentionnait à l'endroit de l'appartenance nationale qu'untel venait notamment d'Egypte ou du Koweït. Pour les besoins de la cause accusatrice, à partir de dorénavant, toute cette gente obtiendra la nationalité théorique palestinienne. La victime est incarnée.
Le problème, c'est que le résultat n'est pas terrible. La supercherie est imparfaite, car rien ne peut tromper l'observateur le plus convaincu qu'il s'agirait réellement d'une nouvelle nation : pas de langue rassembleuse, pas d'alphabet, pas de contrepied de la Bible qui pourrait consolider cette appartenance nationale et géographique, pas de passé commun, glorieux ou non, qui démentirait le caractère opportuniste et inopportun de la démarche qui comme par hasard a d'abord attendu l'officialisation du retour d'Israël pour se réveiller.
Et la démarche est d'autant plus problématique qu'elle n'a pas pris pour se justifier un groupe arabisant et musulman du Sahel, de la côte atlantique africaine ou de Dubaï. Elle s'est focalisée précisément sur ce groupe dont le représentant fut le complice par excellence du nazisme, par l'organe du tristement célèbre criminel de guerre Amin Husseini, qui par complicité complaisante a été soustrait à la liste des accusés du procès de Nuremberg (comme par hasard par la France), et qui est surtout connu pour avoir poussé les Anglais à se dédire et à limiter puis interdire l'accès des côtes de la terre d'Israël aux Juifs, et pour avoir objecté auprès de son bon ami à la tête du Reich que renvoyer les Juifs de l'Allemagne et du reste de l'Europe vers leur terre d'origine n'arrangeait en rien ses affaires. Donc, le mensonge de l'inversion frauduleuse des rôles s'est attaqué à ce qu'il y avait de plus gros : prendre les plus grands antisémites du monde arabe, ceux du nettoyage ethnique de Hébron en 1929, entre autres, qui plus est sous la botte du précité, et faire d'eux et de leurs descendants les victimes des Juifs, au moment même où des générations d'Allemands se sentent définitivement salies et damnées par le génocide perpétrée par leurs ancêtres directs dont les complices orientaux n'ont jamais été sommés de rendre des comptes.
2 Le piège
Au demeurant, le dédouanement moral par la relativisation et le jeu de rôles définis uniquement selon les circonstances comme nous venons de le voir, n'exclut pas totalement l'inclination naturelle et morale à s'amender. Ces deux tendances font qu'aujourd'hui l'homo sapiens habilis europeaeus se retrouve prisonnier de son propre piège :
Il n'y a pas eu complicité entre l'Europe nazie et le mufti Husseini, puisque la première a été contrainte par les circonstances fortuites du moment et que le second fait partie du groupe désigné par la suite comme victime des Juifs – d'ailleurs trop s'attarder sur sa personne risquerait de brouiller les cartes – et, puisque le complice du bourreau devient victime, il n'y a pas non plus de collusion entre cette Europe du nazisme et cet islam du mufti. Les dés sont remélangés et rejetés : d'un islam relocalisé et devenu victime, de l'abstraction radicale du personnage du mufti dont il n'a pas été question dans les manuels scolaires d'après-guerre – et à plus forte raison dès le début des années quatre-vingt quand le programme d'histoire a été reconsidéré pour ne plus porter que sur les années allant «de 1945 à nos jours» – la nouvelle équation morale de l'Occident – que la soumission aux chantages sur les coûts du pétrole pouvait donc arranger – est la suivante :
Nous n'avons pas grand-chose à nous reprocher, cependant, puisqu'il faut se montrer généreux à l'égard de l'étranger et des minorités, nous serons à partir de dorénavant très conciliants à l'endroit des minorités musulmanes qui s'installent sur nos territoires. Et nous éviterons à tout prix d'établir des généralités à partir de cas isolés de tueurs au couteau entre autres, même nombreux, qui ne sont en rien motivés par l'islam mais par des déséquilibres mentaux qui ne dérivent en rien de ce culte, dont les bouffées délirantes ne sauraient remettre en cause notre vaste opération d'amendement collectif et civilisationnel.
En d'autres termes, tant que cette politique morale de l'autruche perdurera, tant que le mensonge insistera dans le sens de cette inversion des rôles, l'Occident ne s'en remettra pas. Car il continuera de ne voir, dans la même civilisation d'invasion qui le classe sans retour dans la catégorie des infidèles, que de pauvres minorités déracinées et/ou réfugiées. Il continuera d'héberger un pauvre ressortissant d'un des pays de l'enfer en pensant l'en protéger alors qu'il en est le plus parfait ambassadeur, et à s'étonner de s'être fait égorger chez lui malgré son hospitalité dans son sommeil.
Israël, de son côté, ne doit pas se laisser embrouiller. Le fort n'est pas systématiquement le bourreau ni le faible la victime. Certains principes sont vectoriels et la seule variable reste la grandeur ou la norme du vecteur, la direction et le sens restent inchangés. Nous nous y attardons avec force sources de la littérature biblique et rabbinique à l'appui dans l'ouvrage 5784[1]. Il n'y a pas eu inversion de la donne ni à l'occasion du retour de la souveraineté et de l'indépendance d'Israël, ni à aucun autre moment. Les populations qui ont rendu aux Juifs la vie impossible en exil continuent leur croisade y compris quand elles ne sont pas en situation de force, pourvu qu'on ait le dos tourné ou que la garde baisse ne serait-ce que l'espace d'un instant.
Il serait bon à ce propos que les soutiens des ennemis de la cause d'Israël de l'intérieur se réveillent de leurs conceptions ou qu'ils soient jugés et mis hors d'état de nuisance. Le chef du parti politique Identité, Moché Feiglin, déplore que le lien entre le nazisme et l'islam – et précisément celui qui se basait sur notre Palestine – soit mis sous silence. Des lycéens revenus des voyages à Auschwitz s'étonnent que la catastrophe soit extrapolée de son véritable contexte, et qu'on en tire une règle générale abstraite qui met en garde le puissant afin qu'il ne s'en prenne pas au faible, comme s'il s'agissait d'un banal rapport de force distribuant des rôles interchangeables.
Rien n'a changé, d'ailleurs, la formule talmudique est formelle : «Point de différence entre l'exil et la rédemption, sinon le fait qu'Israël s'extrait enfin du poids esclavagiste des nations». Et si rôles il y a, chacun reste dans le sien.
[1] 5784 la brisure des conceptions.