Réflexion sur Israël et la civilisation occidentale
La guerre a commencé dans la nuit du jeudi au vendredi 17 du mois de sivan 5785, soit le vendredi 13, à 3h du matin. Tout le pays d'Israël en a été informé, quand les sirènes ont retenti sur tout le territoire. La Défense passive nous prévenait qu'il nous fallait rester à proximité d'espaces protégés. Elle s'est achevée samedi soir, dans la nuit du 26 sivan.
Bien entendu, cette guerre s'imbrique dans un contexte bien plus large. Par deux fois, l'Iran a attaqué Israël en le bombardant d'environ deux cents missiles balistiques. C'était quelques jours avant la fête de Pessah, dans la nuit du 6 nissan 5784, 13 au 14 avril 2024[1]. Puis, la veille de Roch Hachana 5785, soit quelque six mois plus tard, Israël subissait une nouvelle attaque iranienne. Il serait injuste d'omettre la participation du Yémen, dont la réalité s'est rappelée à la conscience collective, ce pays d'où sont rentrées de l'exil d'importantes communautés d'Israël, lointain pays quasi fabuleux, presque imaginaire, à cheval entre un passé lointain et les mille et une nuits.
En réduisant à 10 jours cette guerre, nous prenons le risque de faire d'Israël l'agresseur, dans un monde moderne, c'est bien connu, épris de paix. L'angle sous lequel il nous est néanmoins permis de faire tomber les derniers événements sous cette appellation réductrice, s'explique à l'aune de l'initiative d'Israël dont l'objectif consistait à priver l'Iran de sa capacité en devenir de s'équiper de l'arme atomique, exactement comme, 44 ans plus tôt, il fut question d'en priver l'Irak, comme nous l'évoquions plus tôt.
Quand nous n'étions encore que de tout jeunes enfants, l'une des superstitions irrationnelles, outre le racisme pour le chat noir ou l'araignée du matin, consistait à attribuer au vendredi 13 des propriétés maléfiques. Le vendredi 13 nov. 15 fut dur pour les ennemis de l'islam, le vendredi 13 juin 25 pour ce dernier.
Plaisanteries mises à part, un enseignement du Gaon de Vilna (né il y a 305 ans) attire notre attention sur cette date où fut lancée notre dernière guerre. L'Ecclésiaste (c. III) énumère une liste de vingt-huit temps, les deux derniers étant : «un temps pour la guerre, un temps pour la paix». Or chacun de ces temps répondrait à un parallélisme avec une portion de l'histoire. La tradition accorde à l'humanité une durée de six mille ans, ce qui est énorme, quand on pense que les historiens, notamment en Europe, ne trouvent rien au-delà d'un peu plus de deux millénaires, et difficilement quatre entre l'Egypte et la Mésopotamie.
Une opération sommaire de division donc de 6000 par 28 accorde à chacun de ces temps une durée de 214 ans plus un peu plus d'un quart. Notre année hébraïque présente compte 355 jours (non embolismique). Il est assez logique pour ne pas rendre les calculs trop fastidieux (en Talmud comme en maths, on doit aspirer au résultat par le plus court chemin) de compter à partir de la fin (des six mille ans). Bref, abrégeons : le lancement de la guerre par Israël contre l'Iran correspond exactement à cette nuit du jeudi au vendredi 13 juin, donc, en tenant compte des décimales après la virgule, le temps de la paix commence à cette date : 17 sivan 5785.
Cette optique éclipse le slogan creux et mensonger d'un ex faux camp de la paix, dont la dialectique transpirante de démagogie exigeait que ce serait avec ses ennemis qu'on fait la paix. Il commence à s'avérer que c'est en l'absence d'ennemis, d'aspirants à l'explosion de la planète, que la paix va enfin pouvoir s'imposer.
En attendant, les ateliers de fabrication de l'arsenal nucléaire iranien ont implosé.
Première puissance mondiale : Israël. Deuxième : les Usa.
Première force du mal (à moins qu'elle ne soit téléguidée en sous-main) : l'Iran.
Les élections américaines avaient incité certains à se figurer que les Usa remis de leur sénilité présidentielle se chargeraient de neutraliser l'Iran. Mais cette attente sous-jacente avait de quoi irriter. Comment, les Américains seraient donc les subordonnés, les obligés d'Israël? Certes, le nucléaire iranien est une menace pour la planète, mais il ne faut pas oublier qu'il ne menace officiellement dans un premier temps qu'Israël. Et tant qu'on s'attend à ce que l'Iran vienne en découdre avec son petit Satan, le grand a encore de beaux jours devant lui. Et il serait dommageable de confondre vitesse et précipitation.
Soit, se dit alors Israël, agissons donc seul. Ou, en tout cas, initions donc la dynamique de ce mouvement. Certains, en Europe, se voyaient déjà sous les feux de la troisième guerre mondiale. D'accord, leur répond Israël, mais sans l'atome iranien. Mais il y a eu comme un hic. Un instant, il fut permis de supposer que, malgré de nombreuses lettres manuscrites contraignantes contre certains organismes notamment mutileurs, le changement de dirigeant allait laisser le dernier élu américain s'aligner gentiment sur les positions du président sandwich (l'entre deux Trump).
Car Israël était instamment prié de patienter car un accord allait être incessamment sous peu contracté pour régler à l'amiable le différend d'ordre mondial. Et voilà que l'Iran se voit accorder un délai de trente jours suivi d'un autre délai de trente jours… Mais voilà, l'Iran sentant tel Agag le descendant direct d'Amalek la menace s'éloigner «Ah, ainsi s'éloigne l'amertume de la mort» (I Samuel XV, 32), il n'est pas pressé de proposer quoi que ce soit de concret. Et puis, un délai en entraînant un autre, et les priorités mondiales pouvant par ailleurs détourner de lui l'attention non moins mondiale, le sourire fourbe et sournois éclipse les sueurs froides de ces surmulots qui traitent les autres de singes et j'en passe.
Israël, courtois, diplomate, bien élevé, s'enquiert timidement, osant à peine lever le doigt : «C'est bon, c'est fini votre petit jeu, là? Est-ce que tous les délais sont écoulés?» «Mais oui, répond Trump, ça y est. Je leur ai donné soixante jours.»
Le travail peut enfin commencer. Peuh, se dit l'Iran fondamentaliste qui hausse les épaules : «C'est fini, l'ère de la guerre des Six jours. Or si Israël, qui avait pris Gaza et maints autres territoires en moins d'une semaine, voilà qu'à présent, en presque deux ans, il n'a même pas été capable de soumettre le Hamas. Donc, a fortiori, puisque nous sommes bien plus puissants que ce groupe terroriste, pour ne pas dire groupuscule, Israël ne pourra rien contre nous.»
Or l'opération prend le nom de «Un peuple comme le lion se lèvera» (Nombres XXIII, 24). Ces paroles de bénédictions émanent de la bouche de Balam, qui pourrait n'être qu'un des ancêtres de nos pourfendeurs, doué de prophétie au milieu des Nations. Le lion est le symbole de la tribu de Yéhouda, celle du roi David ; bref, de la royauté d'Israël et du rédempteur qui se renouvellera et poussera tel un drageon de la souche d'Ychaï.
Mais non seulement les Américains ne viennent pas prêter main forte militairement sur le terrain, Trump est de surcroît attaqué par les journalistes et se démène pour se justifier quant à la non-promulgation de son véto contre l'initiative israélienne.
Qu'à cela ne tienne. Et puisque le nom de l'opération revêt une parole prophétique, qu'une autre parole du même prophète s'applique à son tour : «Voici un peuple qui seul séjournera, et qui des Nations n'aura cure» (id., id. 9).
Pendant 9 jours, Israël se bat comme un lion, seul, pour sauver le monde de la menace et de l'emprise de ce culte dont l'importance n'a que trop duré. Car si Chalom ressemble à Salam, ce qui est très esthétique en chanson, I-Slam devient I-Chalom, le préfixe français étant identique à l'hébreu : possible, impossible, mangeable, digeste etc.
Bien sûr, ça ne va pas sans peine. Certains ont en horreur cette espèce de hurlement prolongé sorti tout droit de la bouche ouverte et figée d'un monstre qui émet son crescendo glaçant: «Oh Oooooooh Aaaaaaaaah Oooooooh». J'ai suggéré que, puisque les Américains sont nos amis, qu'ils nous cèdent les droits d'auteur sur un air de rock – j'allais dire endiablé – par exemple le générique de l'araignée, qui permettrait de réagir plus joyeusement aux alertes et de progresser d'un pas alerte et dansant vers les abris. Je ne vois pas ce qu'il y a de pas drôle.
Il est vrai que les visions des immeubles éventrés de Tel-Aviv rappellent d'autres périodes non moins terrifiantes ; et que les voitures calcinées alignées sur les routes renvoient aux terribles images de Paris après un match de foot ou la nuit du 14 juillet.
Et puis, si les Américains, seuls détenteurs du détonateur du matériel qui permettrait d'en finir avec le noyau des centrales du même nom, ne sont pas très enthousiastes, ils seraient aimables de nous prêter leur matériel pour nous permettre de finir le boulot.
Mais ne voilà-t-il pas que les Américains entrent dans la danse. Dimanche (22 juin) le président Trump informe notre monde que les principaux sites d'enrichissement de l'uranium de l'Iran, Fordow, Natanz et Hispahan, sont hors d'état de nuire. Le président américain reconnaissant félicite le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, dont le prénom, à propos, est celui du fils de notre patriarche Jacob qui ne se prosterna pas devant Esaü. «Je voudrais remercier l'armée d'Israël pour son merveilleux travail». Il félicite ensuite les membres de son armée, qui ont acheminé cet armement lourd qui permet de soulever des montagnes. Il lance un large regard sur l'histoire contemporaine, puisque cela faisait plus de quarante ans que l'Iran menaçait Israël et les Usa de destruction. Il n'oublie pas de remercier D. pour la réussite de cette opération. «Tu te souviendras que c'est l'Eternel qui te donne la force de vaincre» (Deutéronome VIII, 18).
Netanyahou pour sa part a souligné la réalisation de sa promesse au peuple d'Israël : l'annulation de la menace iranienne. «Dans une opération de coordination serrée entre le président Trump et moi-même, entre Tsahal et l'armée des Usa, les trois installations atomiques de l'Iran ont été attaquées par l'armée américaine. Ainsi, celle-ci a poursuivi les attaques de Tsahal et du Mossad contre le programme nucléaire iranien. Ce danger menaçait notre existence et aussi la paix mondiale. Dès que l'opération a été achevée, le président Trump m'a téléphoné. Il m'a béni, béni notre armée, béni notre peuple, et je l'ai béni à mon tour, ainsi que les pilotes des Usa et le peuple américain.»
«Et avec l'aide de D., conclut le Premier ministre, nous vaincrons ensemble.»
D'aucuns reprochent aux dirigeants d'Israël leur foi religieuse. Une nouvelle injure traite de «messianistes» ceux qui lient le processus de notre rédemption aux prophéties bibliques. Mais quiconque se trouve ici en tant que Juif, qu'Israélien, s'inscrit dans cette immense histoire de l'exil puis du retour d'Israël, et se retrouve dans la peau d'un «messianiste» malgré lui. Car pour ne pas être messianistes, comme ils disent, il faudrait refuser de monter en terre de sainteté, et se contenter de se définir comme natif de telle ou telle nation et détenteur de sa nationalité, et ne se distinguer que très accessoirement par l'identification religieuse de la confession mosaïque.
Sur l'heure, de nombreuses synagogues ont vu leurs fidèles entonner ce dimanche matin (22 juin 25) la Grande louange, le Hallel.
Prions pour que le raisonnement d'a fortiori de nos ennemis s'inverse, et que de la même façon qu'Israël a pu attaquer l'Iran et le vaincre, il vaincra très prochainement l'occupant de Gaza, libèrera les captifs, et restaurera enfin tout ce merveilleux Gouch Katif.
(Bon, ceci dit, il faut conclure, il paraît que le serpent venimeux va encore attaquer cette nuit. Que D. protège Israël).