Réflexion sur Israël et la civilisation occidentale
Banale propagande médiatique de diffamation et condamnation du Juif et de son Etat
J-P Lledo attire mon attention sur un article en ligne de l'Humanité[1]. Son titre éloquent se joint à l'énorme meute de molosses accusateurs d'Israël pour mieux l'abattre, montre patte noire : «Avi Mograbi, cinéaste israélien : "Le génocide des Palestiniens dure depuis 77 ans».
Cet article fait coup double, car c'est moins la réécriture interprétative de l'histoire d'Israël depuis 1948, que le faux certificat de crédibilité – de cacherout, c'est le cas de le dire – qui en signe la nocivité. «Tu as des amis juifs ! Toi ?!» répondait Mme Pivert à son époux[2]. Eh oui, tout antisémite – ou antisionistosémite – qui se respecte a son laissez-passer : ses amis juifs, cercle qui peut se réduire à un unique individu. L'Humanité fait mieux : elle a un intellectuel juif, qui, par la force du droit que lui confère sa judéité, a non seulement le droit mais le devoir d'accuser les siens.
«Mais, très chère Humanité, ne craignez-vous pas que les Juifs, dans leur ensemble, vous reprochent d'exploiter pernicieusement un traître à leur propre cause?» L'Humanité ne se dégonflera pas et pourra vous répondre (sans trop vouloir leur servir d'avocat du diable, comme leur mettant dans la main un martinet pour mieux être frappé) : «D'abord, votre insinuation est déplacée! Comment oseriez-vous prétendre qu'un Juif puisse être antisémite? Mais c'est ridicule, à moins qu'il ne soit masochiste, car il sait très bien qu'il se mettrait lui-même en danger! Non, c'est de l'autocritique, et c'est tout à son honneur de faire son examen de conscience, son mea culpa! D'ailleurs, tous les autres Juifs – mais non, que me faites-vous dire là – tous les autres Israéliens sont d'accord avec lui, en leur for intérieur, même s'ils ne le montrent pas. De plus, ils ne sauraient s'en dédire, car comme chacun sait, car aliment prohibé qui s'en dédit, donc…».
«Mais, chère Humanité, refuseriez-vous de prendre en considération des éléments traîtres et renégats de leur bord qui, s'étant alliés aux pires antijuifs de leur temps, ont provoqué de terribles ravages chez les leurs?» «Non, jamais entendu parler.» «Mais, chère Humanité, que faites-vous de Nicolas Donin, ou Paul Christiani, pour ne citer que ceux-là?» «Ce sont vos anciens camarades de classe?» «Le premier en voulait à Rabbi Yéchiel de Paris, le second à Nahmanide, à Narbonne. Ils les ont provoqués, et bien que les rabbins les aient avec brio battus à plate couture dans les disputations, de terribles mesures de rétorsion ont été prises, puisqu'il y a eu le brûlement du Talmud en place de Grève et que Nahmanide a dû rentrer dans sa patrie, la Palestine.» «Hein quoi, où ça, quand ça?» «En Palestine, c'était respectivement en 1242 et en 1263». «De l'ère de qui donc?» «Mais de la vôtre, chère Humanité, de la vôtre!» «Ecoutez, notre histoire revisitée en ce qui concerne les Juifs, Israël et tout ça, ne remonte qu'à 1948. D'ailleurs, c'est en suivant l'évolution de la carte des terres sur lesquelles s'étend l'Etat d'Israël depuis 48 qu'on peut montrer une expansion et prétendre que les Arabes se sont fait avoir. Vous vous rendez compte? Si on remonte à 1917, avec Balfour, qui attribue aux Juifs jusqu'aux frontières de leur ancien royaume, vu l'étendue du territoire, on verra au contraire une diminution qui risque de servir les intérêts sionistes.»
Ce que n'a peut-être pas prévu ce média, c'est l'énormité de l'accusation du pays juif contenue dès le titre, qui est plus forte qu'un lapsus car il révèle un monstrueux racisme anti-arabe. Un génocide qui durerait depuis 77 ans aurait certainement eu raison de toute la catégorie génique délibérément visée. En filigrane, l'inhumanité du journaliste s'en prend violemment aux personnes sur qui elle fait mine de s'apitoyer : «Mais regardez-moi ces coriaces!»
Elle trahit ainsi ses propres peurs, car, quelle coïncidence! la catégorie socioprofessionnelle des agresseurs et autres casseurs qui saccagent le paysage français, qui pillent entre autre les parfumeries des Champs Elysées, brûlent des centaines de voitures à chaque fête religieuse ou nationale, frappent même tombés à terre par pur racisme des innocents pour leur blancheur de peau, fêtent des résultats de matchs de foot (sport toujours autorisé malgré les conséquences dévastatrices connues d'avance), font des rodéos à moto ou des courses de voitures en milieu urbain, etc. etc. a par extraordinaire la même religion, langue, alphabet, idéal de conquête et de razzia, que ceux qui seraient visés par Israël. Car même en 77 ans, il est impossible de s'en débarrasser et de parvenir à un minimum de paix sociale. Donc, même si cette presse propagandiste rappelle l'apparence sérieuse mais trompeuse du gagnant de «je te tiens, tu me tiens etc.» (celui qui ne rit pas), elle peut se permettre, sans sourciller d'annoncer haut et fort que ses protégés sont d'un génome extrêmement coriace.
Nous ne nous attarderons que peu sur le contenu, qui reprend à peu près tous les clichés antisionistosémites ambiants, avec tout le vocabulaire mis au point pour les besoins de la cause : violence, vengeance, occupation, invasion, colonies, cis-Jordanie, bref, tout ce qui fait du Juif un étranger sur sa terre. Néanmoins, reprenons succinctement l'idée mère de l'occupation. La mauvaise foi de la propagande, quand on lui oppose qu'elle considère le Juif comme un apatride, puisque la Palestine ne serait pas ou plus à lui, et qu'elle s'inscrit ainsi dans la ligne droite du dogme de l'Eglise, tergiverse en disant qu'elle reconnaît l'Etat d'Israël dans les frontières de 1948, et que seul le territoire restant conserve l'appellation de Palestine et que c'est ça qui la froisse.
Or, une fois de plus, le journal se trahit. Pourquoi choisir précisément le nombre de 77? 77 ans, comme les jeux de 7 à 77 ans? Non, c'est tout simplement le résultat de la simple opération de soustraction : 2025-1948 = 77. C'est purement et simplement le déni le plus total du droit d'Israël à l'existence. C'est le même positionnement que l'Olp, le Hamas et ainsi de suite, qui revendiquent une Palestine allant de fleuve à la mer.
Le texte confirme le refus opposé à Israël d'exercer son propre droit, son propre pouvoir : «… après la fin de la guerre, selon le droit international, les gens sont censés être autorisés à rentrer chez eux… C'est ainsi que le monde a légiféré». Outre le mensonge flagrant de cette assertion, depuis quand «le monde» s'ingère-t-il dans les affaires intérieures d'un pays souverain? C'est donc le déni du droit du peuple juif à disposer de lui-même, et de légiférer sur son sol. Sans entrer dans la problématique des superlatifs qui font d'un déplacement de population un génocide, le parti-pris pour la cause musulmane contre la cause juive (le papier reproche entre autres : «Israël… pour imposer ce que l'on appelle un Etat juif, doit maintenir par tous les moyens une majorité juive», il ne manquerait plus que ça que les Juifs se retrouvent en minorité y compris chez eux!) renvoie en fait à la problématique de la recherche impossible d'absolution pour la civilisation occidentale.
En accusant Israël de perpétrer un génocide, mais surtout en cherchant à s'en convaincre, cette presse cherche à dédouaner l'Europe du génocide contre les Juifs. Elle sait qu'elle ne peut se permettre d'être bêtement négationniste, en niant la Shoah. Ce qu'elle se permet en revanche, c'est de se prouver en quelque sorte que les Juifs l'ont bien méritée, cette Shoah, puisqu'ils sont fondamentalement génocidaires. L'Europe n'a fait que tenter de faire disparaître une espèce dangereuse pour les autres. Donc, au lieu de se sentir coupables d'avoir assassiné le tiers du peuple juif, cette presse se désole du ratage des deux autres tiers, car si le travail avait été achevé, jamais ces pauvres prétendus Palestiniens n'auraient tant souffert. Les victimes de génocide sont coupables, car elles sont elles-mêmes génocidaires, quelle aubaine pour la civilisation la plus humaine qui n'arrive pas à comprendre sa propre sauvagerie!
Relevons encore le thème de la Nakba, dont il est question dans les «77 ans de génocide», expliquée comme «l'expulsion forcée du peuple palestinien». C'est un point de vue. Mais en réalité, ce terme résume l'échec de la solution finale en Palestine, terre des Juifs comme l'attestent tous les éléments historiques (qui datent d'avant 48, mais cet article contraignant a décidé à dessein que l'histoire a débuté il y a 77 ans). Les arabos-musulmans présents en Palestine attendaient Rommel pour se joindre à la curée qui devait marquer l'extermination des Juifs en étouffant dans l'œuf leur Etat en redevenir. Il y eut un retournement miraculeux, inattendu : «ce furent les Juifs qui dominèrent leurs haïsseurs» (Esther IX, 1).
Donc, les populations qui avaient aiguisé leurs couteaux et se frottaient les mains en salivant alors qu'elles suivaient la progression du monstre nazi dans le désert de Lybie, «ont été déplacées, expulsées» ou plus exactement : «se sont déplacées, auto-expulsées», mais certainement pas «massacrées». D'ailleurs, dans cette optique partielle et partiale, il n'y a pas un mot pour tous les Juifs qui ont dû fuir les pays arabes. Bel exemple d'indignation sélective! Et absence d'indignation quand les pays d'accueils des «populations déplacées» - Liban, Syrie etc. – opposent encore aujourd'hui une fin de non-recevoir aux demandes de nationalités locales de la quatrième voire cinquième génération des descendants desdits déplacés. Car si ce déplacement – ah non, génocide – a commencé il y a 77 ans, les enfants alors de 3 ans ont aujourd'hui 80 ans, et les jeunes de 20 ans 97 ans. Et il est absolument déplacé de qualifier de réfugiés des individus de très jeune âge aujourd'hui pour mieux attiser la haine antisionistosémite. Il est tout aussi malhonnête de «compter 1,5 ou 2 millions de Palestiniens à l'intérieur d'Israël.» Pourquoi? Parce que ces personnes d'après le droit dont se réclame l'auteur de ces lignes ainsi que toute cette presse haineuse, ont la nationalité israélienne. Donc, il y a ici clairement une ségrégation pour mieux isoler les «Sionistes», donc les Juifs.
Il ne faut pas oublier que les nazis avaient trouvé dans le représentant des musulmans qui occupaient alors la Palestine, Amin Husseini, un allié de taille, ce dernier ayant fait pression sur l'Angleterre pour l'obliger par toutes sortes de troubles à se dédire de ses engagements envers les Juifs qui se sont retrouvés trahis et prisonniers en Europe dès que le Mandat britannique eut promulgué le Livre blanc. La Nakba, donc, c'est l'échec de la solution finale sur la terre d'Israël.
La haine du Juif transparaît explicitement dans les lignes suivantes : «Entre le fleuve et la mer, il y a donc un équilibre démographique qui pourrait mettre en péril le projet sioniste.» C'est exactement ce que revendique l'auteur quand il énonce : «Mais Israël, en n'autorisant pas le retour de centaines de milliers de Palestiniens etc.» Il veut donc que l'Etat d'Israël soit submergé par ceux qui ont sinon pris part aux pogroms du 7 oct. 23 ou les ont du moins approuvés, de sorte qu'il soit mis en péril et que le massacre puisse, D. préserve, ne plus être «systématiquement [se heurter au] recours à son bras militaire.» En effet, il suffirait que les Juifs soient minoritaires pour promulguer le plus démocratiquement possible une loi d'expulsion à leur encontre.
Maintenant, tout ce qui précède en ces lignes est bien beau, mais est-ce que, plus concrètement, il existe des recours contre tous ces appels à la haine, qui, en accusant Israël de crimes rituels modernes, appellent à lui verser le sang? Ce José-Marie Sirach doit être inclus dans la procédure, si procédure il y a. Que tombent tous les ennemis d'Israël. «Que je les broie et qu'ils ne s'en relèvent plus» (Psaumes XVIII, 39).