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30 juillet 2024 2 30 /07 /juillet /2024 10:20

Deux tendances s'affrontent dans notre histoire contemporaine de la restauration d'Israël : l'aspiration unificatrice naturelle du peuple d'Israël à reprendre ses droits sur sa Palestine ancestrale, comme vecteur rassembleur induisant le mouvement du retour et de la réinstallation, synthétisée par les sources juives (l'an prochain à Jérusalem, le départ étant pour maintenant)[1], d'une part ; et une non-acceptation des anciens-nouveaux acquis précisément par ceux qui dominent les systèmes et nous imposent leurs vues, d'autre part.

En 1917 et 1920, la déclaration Balfour – uniquement anglaise – puis sa confirmation élargie à San Remo par les nations dominantes – SDN – en vue de la restauration du foyer national juif en terre d'Israël, font écho à l'espérance quasi bimillénaire des descendants directs des Hébreux. Mais des alliances traîtresses de l'Angleterre qui s'en dédit bien vite la révèlent comme indigne de parole et d'écrit. Perturbée par la cacophonie des menaces musulmanes orchestrée par Husseini le mufti, elle promulgue une série de Livres blancs, interdisant l'accès de la terre de sainteté à ses enfants, tout en en condamnant plus d'un à se retrouver piégé en Europe nazie comme dans une souricière (Ҫa n'arrangeait pas Husseini que les Allemands expulsassent les Juifs chez eux en Palestine). De fil en aiguille, les Juifs héritent de la portion congrue, d'un territoire indéfendable en trois centons[2] tout juste raccordables, dont la plus grande partie couvre le Néguev alors réputé inculte. Les Juifs acceptent le peu qu'on leur concède le 29 novembre 47 sans crier à l'injustice, puis proclament – il était temps avant qu'il n'en reste plus rien – l'indépendance de leur foyer réduit en 30 ans d'un vaste territoire à peau de chagrin, car il faut bien parfois savoir se contenter de ce qu'on a. Le jeune ancien-nouveau pays est tout de suite agressé, mais ça se termine heureusement par une cuisante défaite pour les aspirants exterminateurs, archivée par leur biais dans la mémoire commune comme une fameuse et magnifique nakba. On a eu chaud. 

Les Juifs se battent avec courage et détermination, jusqu'à ce que le tracé de la frontière devienne nettement moins improbable, et, chose curieuse à la lumière d'événements encore réservés à futur pas très lointain, personne chez eux ne s'en plaint. Ce qui est acquis au terme de la guerre détermine le tracé de la frontière du vieux-jeune Etat, et personne ne s'emploie à jouer le rabat-joie en mettant en exergue des souffrances morales et une aspiration à revenir aux frontières de 47 ; ni plus, par ailleurs, aux frontières de 17-20 évoquées plus haut.

Le grand rabbinat d'Israël instaure un jour de fête de connotation religieuse, ce qui est normal, puisque le retour d'Israël sur sa terre est un projet prophétique intrinsèque à la Bible, qui est comme chacun sait un livre religieux. Depuis la fin de la courte période de gloire du régime de Bar Cokhba, on n'avait pas connu d'indépendance. Cela vaut bien que l'on récite des louanges.

Cependant, la joie ne pouvait être complète, car même en considérant la partie pleine du verre, et bien que le cœur y fût, celui de la terre n'y était pas.

Le Rav Zwi Yéhouda[3] a eu cette parole quasi prophétique. Pour le rassemblement des festivités de l'indépendance devenu traditionnel, à la yéchiva de Jérusalem, en l'an 5727 (1967), il regrette que les acquis obtenus 19 ans auparavant aient installé le peuple dans une sorte de routine et de torpeur spirituelle, le conduisant à se reposer sur ses lauriers. «Où est notre Hébron? L'aurions-nous oubliée? Où est notre Sichem? L'aurions-nous oubliée? Où est notre Jéricho? etc.»[4] Ce discours est d'autant plus retentissant qu'au cours du même mois hébreux de yar, toutes les régions du centre de la terre d'Israël dont aucun Juif ne pouvait fouler le sol depuis 19 ans sont libérées.

Le Rav remercie l'Eternel : «Nous rentrons chez nous». Le peuple par myriades se rend au Mur Occidental à Jérusalem et à Hébron, la citée des Patriarches.

Les parachutistes fixent le drapeau d'Israël au-dessus du Mur Occidental. Le Rav Shlomo Goren, grand rabbin de Tsahal, ouvre une synagogue sur le Mont du Temple, et l'ingénierie prend des mesures pour révéler les différents degrés de sainteté, des emplacements du Saint des Saints...

Mais Dayan et le gouvernement ne l'entendent pas de cette oreille. Ils mettent un frein à cette énergie naturelle. Le drapeau est retiré. La synagogue fermée. Les clés du site le plus saint du monde sont remises à un groupuscule islamique, le Waqf. Un esprit défaitiste les anime. Pour eux, nous ne sommes pas rentrés chez nous. Nous ne faisons que passer. Leur cerveau réinitialisé par une mentalité d'exil qui les rattrape ne vibre pas à l'unisson de l'énergie du renouveau, celle qui permet de poursuivre le travail de libération là où nous avions été contraints de le suspendre. Leurs capacités perceptives ne peuvent aller au-delà des lignes du cessez-le-feu de 48. Le cœur de la terre d'Israël n'est pour eux qu'un vulgaire terrain pris à l'ennemi et ils sont prêts à le lui brader pourvu qu'il reconnaisse l'existence et la légitimité de l'Etat d'Israël et accepte de vivre en paix à ses côtés. Le droit de la guerre pourtant bien conçu et compris 19 ans plus tôt, qui rend légitime l'appropriation des biens récupérés sur le compte de l'ennemi, et à plus forte raison quand ce dernier est l'agresseur, connu depuis les temps bibliques quand Jephté répond à Moab qui accuse Israël de lui avoir dérobé sa terre – Israël reçut l'ordre de ne pas s'emparer des terres d'Amon et Moab – que la conquête a été réalisée sur le compte de l'Amorrite,  et qu'elle a force de loi[5]. Le gouvernement met en place une administration civile assujettie à l'armée, démarche qui sert encore aujourd'hui de prétexte sur la scène internationale aux détracteurs d'Israël, comme nous venons de le voir avec la déclaration antisionisto-sémite de la CPI qui fulmine contre la présence juive en terre d'Israël.

L'obsession du pouvoir juif à obtenir la reconnaissance de son droit à l'existence par ses pires ennemis est en opposition totale avec la compréhension saine et spontanée du peuple, de ses rabbins et de ses soldats.

Mais à cette obsession frileuse répond l'obstination haineuse d'un monde arabe qui se réunit pour exprimer son refus[6]. Et au lieu de voir le gouvernement et l'état-major rebâtir main dans la main les ruines de l'exil, ce ne sera que sur l'insistance du peuple et des ses revendications permanentes, au gré de luttes menées par des Juifs affranchis mentalement du joug des nations, que le pouvoir consentira à un rétablissement partiel dans les frontières de la terre, telle l'installation à Hébron dans la maison juive Beth Romano par un petit groupe déterminé et incorruptible qui finira par être autorisé à y rester.

C'est sur cette lignée que les gouvernements ont imposé en désaccord avec le peuple (hormis dans le cas du premier volet des accords d'Oslo où il a été mené en bateau par un fort matraquage médiatique caractérisé par l'infatigable mélopée des territoires contre la paix) l'empêchement de la pleine expression du droit d'Israël sur son sol, l'expansion de la présence ennemie dans le pays et de ses factions terroristes armées, le décret d'expulsion des Juifs de Gaza et du repli anti-stratégique de l'armée y compris sur la ligne frontalière avec le Sinaï cédé à l'Egypte (également en dépit du droit de la guerre). Dans sa lancée, le pouvoir actuel contredit l'esprit de rédemption et d'abnégation de nos soldats qui se battent et risquent leur vie pour écraser nos ennemis et libérer notre terre, affirmant comme Dayan en son temps que nous ne faisons que passer, alors qu'il n'y a même plus le mensonge et l'illusion d'une paix avec un ennemi impacifiable[7].

 

 

[1] La formule est ancienne. À l'époque mishnique, l'Espagne, pour ne citer qu'elle, était à un an de voyage de la terre d'Israël.

[2] Etoffe ou vêtement fait de plusieurs morceaux de couleurs différentes. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.

[3] Fils du Grand Rabbin Abraham Isaac Hacohen Kook de l'époque mandataire, lui-même recteur de l'école talmudique de Jérusalem Mercaz Harav et figure de proue de la pensée du sionisme religieux.

[5] (cf. idem Alsace) (כיבוש מלחמה בשיעור הרב בר-אלי ט' תמוז תשפ"ד

[6] Résolution de Khartoum et de ses trois non.

[7] Figure dans la première édition de Enrichissement de la langue française : dictionnaire de mots nouveaux de Jean-Baptiste Richard de Radonvilliers, Paris, 1842, page 336.

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