Réflexion sur Israël et la civilisation occidentale
On ne peut importer un conflit uniquement contre les Juifs
Import export fluctueux du conflit antisémite
Il peut être intéressant de se demander dans quel sens circule l'importation de conflit. Avec la mondialisation, les repères s'estompent, les frontières s'effacent, et tout devient sens dessus dessous. La preuve en est que deux notions qui étaient encore très claires il y a peu, ont provoqué un tel imbroglio dans nos têtes, tant elles sont devenus difficiles à entrevoir aujourd'hui, que nous nous sommes vus contraints de réviser notre vocabulaire.
Emigration ? Immigration ? Migration
Autrefois, on savait ce qu'exportation et importation voulaient dire. Et il en était de même pour l'émigration et l'immigration. Qu'il se fût agi de marchandises ou d'hommes, on comprenait d'où ils partaient et où ils arrivaient. Par exemple, un Portugais en partance pour la France était, sur son sol premier, un émigrant, avant de devenir, pour cette dernière nation, un immigrant. Si nous l'avons aujourd'hui oublié, ainsi que ses motivations souvent d'ordre économique, c'est qu'il n'a à aucun moment fait montre d'ingratitude et que ses petits enfants sont aujourd'hui français sous toutes les coutures. Aujourd'hui, les déplacements volontaires prêtent à une telle confusion qu'il a fallu résoudre le problème en annulant tout suffixe provocateur d'embrouille, pour ne plus parler que de flux migratoires, comme pour les oiseaux. A titre illustratif, la cigogne, lorsqu'elle niche en Alsace mais passe tous ses hivers en Afrique, n'est pas plus émigrante qu'immigrante ; c'est un oiseau migrateur, autant dire qu'elle n'habite nulle part, ou qu'elle est une citoyenne du monde.
Cette terminologie, pour simplifier, a été étendue aux hommes. Dès lors, on ne se demande plus ni d'où ils viennent, ni où ils vont, ni s'ils comptent s'établir quelque part. Ce sont des migrants, c'est-à-dire des itinérants, voire d'anciens sédentaires nomadisés. Des femmes sont agressées à Cologne. On montre du doigt imprudemment les migrants syriens ou irakiens. Des plaintes sont déposées et voilà qu'ils sont marocains. Merkel exigera du continent nord-africain de surveiller ses ressortissants, et ils lui diront qu'il reste encore à prouver qu'ils viennent bien de chez eux, vu que le migrant est par définition en mouvement et que rien ne prouve que ledit mouvement est bien parti d'un sol d'attache. Que l'on cherche à se pencher sur leur identité, leur occupation ou leur domiciliation, et voilà soudain que plus de la moitié s'est volatilisée, envolée, autrement dit quelque six cents millions de migrants sont introuvables rien que pour l'Allemagne. Sachant qu'ils préfèrent souvent, contrairement à notre bon Portugais précité en ces lignes, se débarrasser de leurs papiers, autorisations, coupons et laissez-passer, se disant que c'est la meilleure méthode pour gagner toujours plus d'empathie et de subventions, cela devient d'autant moins aisé de les localiser… après tout, c'est normal, puisque ce sont des migrants.
Migration et précarisation de la présence juive dans le monde libre
En les laissant s'exporter ou s'importer… ou simplement se transposer et s'imposer, on importe et expose avec eux cet antisémitisme peu connu ou peu reconnu du monde musulman, très minimisé et relativisé au regard de l'horreur de la solution finale européenne. Pourtant, bien qu'il n'arrivât jamais à le cheville de ce système savamment et scientifiquement pensé, basé aussi sur la collaboration et les réseaux de chemin de fer comme la Sncf, le monde arabe n'en a pas moins obtenu de très bons résultats qui, curieusement, sont passés inaperçus au nord de la méditerranée.
Car, on ne le répétera jamais assez, d'un bon million de Juifs répartis entre ces pays, qui auraient pu dépasser les dix millions selon la croissance démographique globale observée, il en reste tout juste quelques centaines aujourd'hui. Or, en important et laissant immigrer ou migrer des millions de ressortissants élevés dans leurs contrées dans l'intolérance de la présence physique du Juif, on translate le Judenrein arabe aux contrées européennes.
Et nous allons voir incessamment que si les Allemands avaient voulu conforter leur position de pays sans Juifs, ils n'auraient pas pu trouver meilleure aubaine. Ils doivent faire une drôle de tête, ces Israéliens qui avaient sans vergogne appelé leur concitoyens à venir en nombre s'acheter des maisons en Allemagne, sous prétexte que la vie y aurait été plus sûre et moins chère. Comment peuvent-ils à ce point se leurrer ? Ce n'est pourtant pas la première fois que ce pays s'est montré bienveillant envers les Juifs, notamment en 1869, avec l'accord de l'égalité des droits, avant de se refermer comme une herse. Cette fois, c'est donc l'anti judéité musulmane au secours de l'anti judéité européenne.
Mécanisme de la fabrication du concept salvateur pour l'antijudaïsme
C'est donc entendu, l'antisémitisme européen est cliniquement mort et nécessite un cerveau neuf et des bras nouveaux. Pour les bras, la migration est là. Pour le cerveau qui va projeter le bras sur la machette puis la machette sur la kippa, c'est un concept qu'il faut importer. Mais, avant de l'importer, il faut le définir. Et puisqu'Israël présente une densité de Juifs exceptionnelle au mètre carré, quoi de plus naturel de le choisir comme terrain d'étude ?
C'est d'ailleurs en raison de cette particularité qu'il attise la convoitise de la tentation antisémite. Sur le plan concret, il ne se passe pratiquement pas un seul jour sans que la haine ne tente ou ne parvienne à assassiner son quota de Juifs.
Or, si vous êtes nourris par la propagande aefpéenne, il vous faudra garder vos yeux et vos oreilles rivés sur votre télé pour ne pas manquer l'instant précis où le crime est perpétré, et être bien attentif, car de photos, vous n'en aurez pas, comme vous n'avez probablement jamais entendu parler du petit Yotam en soins intensifs depuis qu'un Arabe lui a arraché le pied, ni de Mme Suzanne F., sur son lit d'hôpital depuis bientôt trois mois, et dont les opérations sont rendues difficiles en raison des infections qui ont affecté son organisme déchiré par ce même antijuif. Pourra-t-elle assister, même sur un fauteuil roulant, cette dame qui adore arpenter les rues de Jérusalem et se remplir à pleins poumons de son air pur, à la bar-miçva de son petit-fils dans quelques semaines? Reste-t-il d'honnêtes gens qui auraient échappé au dopage aefpéen préoccupés par cette question ?
Par contre, vous avez certainement entendu parler de l'incendie de la maison et de l'asphyxie de la famille arabe qui s'y trouvait, de l'attentat du village arabe à la bouteille incendiaire, en août dernier, de l'arrestation d'un coupable (non encore jugé) juif fin décembre ou encore d'un «mariage de la haine» début janvier. Vous n'avez peut-être pas fait le rapprochement et compris que toutes ces affaires n'en sont qu'une, ni su que les mariés de ce mariage d'amour ont vu la scène de haine dans la presse le lendemain comme vous et moi, ou encore moins que ce dénommé Amiram ben Ouliel, désormais tombé dans les oubliettes, a «reconnu» le crime reproché après quatre semaines de travail intensif de persuasion, tandis que son épouse confirme qu'il était avec elle à la maison la nuit du forfait.
Les deux précédents paragraphes ne sont qu'une illustration de la manière à laquelle le concept est entretenu. S'il a eu ses moments forts, il ne doit pas pour autant tomber en désuétude.
Le nouveau concept antisémite se targue de neutralité
Ce qu'il y a de sournois dans la fabrication du concept qui a fait sortir l'antisémitisme de l'impasse, c'est qu'on le veut objectif et modéré. Il se démarquera notamment non sans en profiter de cet acharnement stupide et borné d'un Ban Ki-moon ou d'un Fabius, qui ne voient dans l'assassin de Daphna Meir dont la cruauté n'est pas moins inacceptable que la haine nazie de gardiens qui tuaient dans les camps chaque jour leurs trois ou quatre Juifs, comme l'a rapporté le rescapé de Buchenwald Ya'acov Tzim (célèbre artiste peintre israélien, auteur entre autres du billet de 5 shekels), qu'un juste retour des choses. Il passera pour modéré donc, lorsqu'il se contentera, donnant l'illusion de ne pas prendre position, de parler d'un extrémisme à deux sens, ce qui reste en apparence très neutre et très loin de la compassion pour l'antisémite opprimé qui tue par désespoir.
Les faux de la propagande moderne
Les moments forts de la fabrication du renouveau du principe de la culpabilité du Juif se fondent tous sur de fausses informations qui passent pour vraies par martelage, sachant qu'en Israël, on ne les dénonce tout au plus que du bout des lèvres au lieu de se porter en faux contre le faux et d'étouffer ces machinations dans l'œuf. Qui a relevé que le scoop Enderlin-Doura n'a été réfuté officiellement par le bureau du Premier ministre israélien que quinze ans après les faits ? Qui sait que le responsable de cette ignominie a pu continuer à «travailler» en Israël sans être inquiété le moins du monde, avant de repartir au pays de l'Afp pour y couler tranquillement de vieux jours?
Les trois guerres de Gaza ont toutes été présentées comme accompagnées de gravissimes manquements aux droits de l'homme de la part d'Israël. La faux et son usage du rapport Goldstone, remis en cause après coup par son auteur en personne, a terni d'une manière indélébile l'image d'Israël. C'est d'ailleurs en gros à cette époque que l'opinion a exigé de la transparence quant à la provenance du financement d'associations de l'intérieur corrompues et rompues aux dogmes modernes de l'antisémitisme. Qui se souvient encore de cet argument des partisans du retrait israélien, quand ils disaient qu'une fois que l'accusation d'occupation deviendrait désuète, le monde entier serait bien obligé de reconnaître le bon droit d'Israël?
Attention de bien dire sioniste
Les motifs anciens ayant tous été disqualifiés après la guerre, ils sont désormais réhabilités par le nouveau concept qui ne porte plus désormais (ou en attendant) le nom d'antisémitisme. Il faut cependant se montrer prudent et faire bien attention de prononcer : antisionisme. Du coup, il est permis de dire : les Sionistes aiment l'argent, dépouillent les autres, empoisonnent etc. On ne marquera plus les boutiques juives de l'étoile de David mais les commerces sionistes. Si on ne peut plus émettre de décret d'anathème comme le fit Pétain, Fabius peut aujourd'hui le remettre à l'ordre du jour, ainsi que la même Europe qui avait tellement peu agi contre la solution finale du nazisme au point que les camps de la mort ont dû être libérés par les Russes. Certains ne décolèrent pas de cette réalité cinglante, et choisiront d'honorer à la même date le nouveau promoteur de cette même solution.
Il est vrai que cette gymnastique n'est pas forcément très aisée, et qu'il convient d'être habile. Pour beaucoup, c'est un peu se risquer sur le terrain du jeu du «ni oui, ni non», pour les meneurs, ou de «Jacques a dit ou n'a pas dit» pour les menés. Qu'ils se trompent une seule fois, qu'ils prononcent le mot juif au lieu de sioniste, qu'ils se mettent à courir contre les Juifs sans qu'on ait dit sionistes, et ils seront en proie à d'énormes difficultés, comme le montre si bien ce comique dit Dieudonné…
Qui a le droit de prononcer le mot juif ?
Une exception cependant : la tolérance irrépressible envers les arabo-musulmano-islamistes fermera les yeux s'ils disent juif au lieu de sioniste. Ils ne parlent pas très bien français, les pauvres.
Le nouveau concept d'importation de conflit est tellement protecteur en ce qui les concerne que lorsqu'ils hurleront «mort aux Juifs» en plein Paris en juillet 14, et s'en prendront sans ambiguïté à deux synagogues, les censeurs rectifieront : «ils voulaient dire mort aux sionistes». Quoi qu'il en soit, ce concept d'importation de conflit et surtout pas d'antisémitisme a été pensé en Occident, transposé sur la réalité de la haine antisémite contre les Juifs vivant en Israël, avant d'être réimporté en Europe occidentale. Et pour raviver ce concept, pour le rendre effectif, on a aussi importé et on continue à le faire de plus belle, toute une masse populaire répondant à des réflexes haineux et infréquentables.
Dégâts collatéraux de l'importation du nouvel antisémitisme
Seulement, le zèle et l'engouement pour la résurrection de l'antisémitisme exige que soit sciée la branche sur laquelle l'Europe occidentale, libérale, laïque, etc., est assise. La machine devient vite imprévisible et indomptable, un peu comme dans ces fictions où des robots ou autres créatures créées pour servir la société la mettent en péril sans que ce soit prévu. Ici, au lieu de tenter de retenir la machine, on cherche au contraire à la galvaniser bien plus intensément pour l'obliger à faire ce pour quoi elle a été créée.
Et ça marche. Les Juifs quittent la France. Huit mille sont arrivés en Israël en 2015, c'est un record jamais égalé, sans compter ceux qui partent pour d'autres contrées lointaines. On s'est même emporté contre un président de communauté, à Marseille, quand il a officiellement établi le constat que le port de la kippa devenait impossible. Par manque de nuance, nous nous sommes emportés contre ce pauvre homme lucide au lieu de nous emporter contre ce qu'il dénonce : l'insécurité désormais inéluctable. Mais plus le nouvel antisémitisme devient efficace, plus dans les mêmes proportions l'Europe se déstabilise. Seuls des particuliers ou groupes associatifs ne ferment pas les yeux et ne font pas les étonnés quand des milliers de femmes européennes sont attaquées par cette marée montante.
D'autres voient se dessiner sous leurs yeux effarés les mêmes effets encouragés contre les Juifs d'abord en Israël comme précité. Si cela fait plus de vingt années que le Français s'est fait à l'idée de la lapidité de l'ordre ou du riverain, après une publicité gratuite pour la haine à coup de pierres vers 1987 qui a fait des petits aux abords de Paris, il doit voir aujourd'hui (cf. l'agression verbale de M. Finkielkraut) toute la mesure de sa méprise quant au beau côté qu'il avait toujours cru voir à la médaille, et assister hagard au procès pour l'instant d'intention par une classe dont rien ne justifie la rancœur de tout ce qui se permet de penser pour être.
Tel est pris qui croyait prendre ?
Et il saurait être question ici d'un rapport mystique de cause à effet, du méchant antisionisto-sémite frappé par les Cieux, mais simplement de l'application peut-être du principe des vases communicants : plus on importe le conflit antisémite d'origine arabo-musulmane sur le continent démocratique, en s'employant à noyer tout îlot de judaïsme sur Paris, Marseille, etc., plus le continent se trouve tout entier sous les eaux.
D'une certaine manière, on sent comme se réaliser ici le verset préconisant qu'il sera fait au malintentionné ce qu'il avait eu l'intention de faire subir à sa potentielle victime. Et quelle est cette intention ? Le projet de s'opposer à l'existence d'Israël, en le menaçant sans cesse dès qu'il se lève contre ses ennemis, en agissant sur le système judiciaire, médiatique et politique par maintes formes de pression. Le concept de l'antisémitisme moderne est entretenu par les puissances occidentales en Israël, importé en Europe, réexporté vers Israël dès qu'il s'agit de le critiquer et de le condamner toujours un nombre incalculable de fois. Il émigre, immigre, bref, il migre. Et avec lui migrent les migrants.
Objection ?
Mais, pourrait-on objecter ici, le problème des migrants n'y est pour rien! Chacun sait que la région a été déstabilisée et que la population fuit. Certes, mais deux principes mettent l'Europe en situation difficile, voire trois. Premièrement, difficile de soutenir qu'il s'agirait d'une inclinaison humanitaire envers ces populations. Il suffit de savoir que les minorités opprimées et massacrées tels les Yézidi restent dans la tourmente et que ce sont les oppresseurs ou identifiés qui investissent l'Europe. Quant au principal groupe monstrueusement fier d'être inhumain, avec ses vidéos d'exécrables supplices, ou à ses points névralgiques, ils ne sont que peu visés. Et on a laissé Israël voir autour de lui se dessiner cette incarnation monstrueuse du nouveau Moyen-Orient.
L'équation pour l'Europe serait donc logiquement la suivante : vouloir qu'Israël existe en tant qu'Etat nation du peuple judéo-sioniste, en de larges frontières sûres et reconnues avec conviction, et ce n'est que lorsqu'elle refusera de voir l'invasion arabo-islamique investir Israël qu'elle s'en préservera par la même occasion. On ne peut importer un conflit et le balader seulement contre les Juifs. Cette compréhension est, ça va sans dire, valable aussi pour l'Amérique.