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2 décembre 2012 7 02 /12 /décembre /2012 18:19

La conception des dirigeants politiques israéliens est perdue quelque part vers le début du 19ème siècle de l'ère courante. Mais pourquoi pas avant, me diriez-vous? Parce que les questions où vient s'ancrer leur pensée ne pouvaient sortir du cadre des suppositions dénuées d'incidence sur la réalité de leur quotidien. Si l'émancipation des Juifs a effectivement vu le jour en Europe, ceux-ci ne pouvaient auparavant, bon gré mal gré, que continuer à vivre comme ils avaient toujours vécu, séparés de leur environnement non juif, et dans la fidélité naturelle et inconditionnelle à leur D.

Avant les grandes révolutions culturelles, leurs traditions n'avaient pas encore été ébranlées par les illusions que leur firent miroiter alors les trompeuses paillettes d'une toute nouvelle liberté. Après des siècles d'une tolérance jamais totalement débarrassée d'un avilissement plus que certain dans le meilleur des cas, quand les Juifs n'étaient pas atrocement martyrisés, la philosophie des Lumières n'a pas manqué d'exercer un effet éblouissant et déconcertant.

Dans leur emballement, nombreux parvinrent à la conclusion que la haine vouée aux Juifs n'était autre que la résultante de leurs distinctions, vestimentaires, religieuses et culturelles. D'autant qu'ils usaient de langues intermédiaires, avec le préfixe judéo. Le contrecoup des droits civiques et de la protection accordés aux Juifs, en 1791 dans toute la France, ou en 1869 en Allemagne, s'est traduit dans les faits par un relâchement de la fidélité au judaïsme. C'est à partir de ces grands phénomènes sociopolitiques qu'une équation de base s'est greffée au bon sens et à l'intelligence. L'aversion ressentie pour les Juifs dans la société en général ne devait plus être dès lors la fonction d'accusations calomnieuses de crimes rituels, mais de leur propre attitude.

Donc, la cause de l'antisémitisme pouvait alors être annihilée, voire remplacée par une vive sympathie, pourvu que les Juifs acceptent de sacrifier leur identité et leur tradition. Si cette analyse fut répandue à l'extérieur des milieux juifs, et défendue aussi bien par Napoléon que Robespierre, en passant par Mirabeau ou Clermont Tonnerre, elle a été largement adoptée à l'intérieur des communautés.

Or, si un penseur comme le grand rabbin Moses Mendelssohn a su faire la part des choses, en admettant que les Juifs devaient apprendre l'allemand et s'acquitter de devoirs envers la société tout en s'y intégrant et en apprenant des métiers, il n'en a pas moins fait aucune concession sur le plan de la ferveur et de l'observance religieuses. Mais, dans l'emballement, la tendance voulut que tout ce qui se rattachait à la religion, qui distinguait Israël en tant que nation, fût définitivement abandonné. La porte ouverte à l'assimilation était intimement liée au sentiment que la victime séculaire devenait désormais, puisque la liberté lui en était donnée, responsable des persécutions auxquelles elle pouvait mettre enfin un terme, et que l'antisémitisme était dû au fait qu'il y avait des Juifs.

S'il n'y a pas de Juifs, si tout le monde s'assimile et se dilue jusqu'à ce que sa couleur disparaisse, il n'y aura logiquement plus aucune haine contre les Juifs. On était encore loin de l'acceptation de la différence, de la tolérance envers un tiers qu'on est prêt à accepter même avec ses particularités, en faisant surtout attention de ne pas exiger qu'il y renonce. Quoi qu'il en soit, cette dernière tendance, inconnue à l'époque, a montré qu'elle cachait aussi des excès, quand les Européens, trop contents de faire preuve d'un amour sans conditions envers les immigrés, leur ont non seulement fourni du travail et un niveau de vie respectable, contrairement à ce à quoi ils pouvaient espérer aspirer dans les contrées où ils vivaient (voir Les cigales et les fourmis), mais ont fermé les yeux sur leurs mœurs avec un grand sourire qui commence seulement à se crisper.

Donc, le Juif, par son attachement aux valeurs intrinsèques à son identité, a été considéré comme seul capable de modifier son image en se transformant. On sait aujourd'hui, deux siècles plus tard, que les partisans du renoncement total au judaïsme ont eu raison à condition de faire vite. Ils ont eu droit à un délai de cinq générations pour échapper à l'apocalyptique machine nazie, qui a détruit tout être humain qui avait au moins un ascendant juif dans les quatre générations qui l'ont précédé. En règle générale, cependant, l'histoire a montré qu'aucun de tous les renoncements concédés par les Juifs n'a été utile. En Russie, le régime communiste a poursuivi jusqu'aux membres de la communauté les plus attachés au parti. Quant à la France des trente dernières années, on peut y voir un nouveau souffle de cette doctrine. La différence qu'elle a voulu établir entre l'antisémitisme et l'antisionisme peut signifier que le Juif ne sera pas inquiété tant qu'il renoncera, même seulement partiellement, à toute la mesure de son identité. Il pourra même être religieux sur le sol français, mais on n'admettra pas qu'il revendique son droit de vivre en tant que nation, avec ses semblables, en un Etat souverain, sur sa Palestine de toujours. Le virus de l'auto-culpabilité n'a pas fini de sévir avec l'avènement de l'Etat d'Israël, ni après ses miraculeuses victoires, aidé par la Providence, contre des ennemis bornés, acharnés et surarmés, et plus de cent fois supérieurs en nombre. Loin d'être archaïque, l'Egypte était armée par l'URSS et il est regrettable qu'Israël se soit montré tellement conciliant envers les Américains pour ne pas vendre plus cher, diplomatiquement et stratégiquement parlant, les connaissances mises à jour sur un armement soviétique que tout l'investissement occidental n'avait pas réussi à se procurer. Les politiciens et autres penseurs de l'Etat d'Israël d'aujourd'hui ne peuvent plus se reprocher un vêtement typiquement juif, ni un attachement inconditionnel aux prescriptions du judaïsme. Depuis près d'un demi-siècle, pourtant, la haine contre Israël et les Juifs en général, n'a pas été pour eux imputable à des tendances criminelles des antisémites, surtout pas s'il s'agissait des terroristes arabes friands de victimes juives innocentes et de préférence désarmées, mais à de grands principes humanitaristes que les Israéliens n'auraient pas respectés: le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, rien que ça, et son pendant, l'occupation. Pourtant, Israël n'a jamais été le Rideau de fer, et les peuples indisposés ont toujours eu la totale liberté de disposer – d'eux-mêmes – et de s'en aller sous des contrées plus douces. Mais voilà, certaines populations préfèrent accuser Israël la bouche pleine, nourries par le niveau de vie que ce pays leur fournit, à tel point que tous les mouvements migratoires, dont les regroupements familiaux ou mariages, vont toujours dans le sens du rassemblement sous la tutelle israélienne, là où il fait bon vivre et où on ne gagne pas tout au plus deux dollars par jour, comme sous d'autres horizons pas très éloignés. Cette tendance aux déplacements s'est encore accentuée quand, certains pourparlers qui devaient mettre une partie de Jérusalem sous le joug de l'Olp ou du Fatah assassins aidant, des dizaines d'habitants arabes qui se sont retrouvés derrière le mur de sécurité ont loué ou même acheté des appartements dans les quartiers juifs de la ville, notamment à la Guiva HaTsarfatit et à Pisgat-Zéev. On ne peut par conséquent s'empêcher de voir dans cette tendance à l'auto-accusation un phénomène qui est loin d'être adapté à la réalité. Et s'il était encore naïvement pensable, comme il m'est arrivé de m'y prendre à la veille de la signature des accords d'Oslo, quand la catastrophe était devenue inévitable, que cette doctrine allait voler en éclats suite à la recrudescence des attentats, il a fallu se rendre à la réalité, quand des politiciens et autres propagandistes ont expliqué les attentats en prétendant qu'ils étaient dus au fait qu'Israël n'avait pas fait assez de cadeaux à ses ennemis. Et à ceux qui défendaient avec logique que le problème de l'occupation était mal posé, on rétorquait qu'il fallait se préserver d'une marée démographique qui n'allait pas tarder à mettre les Juifs en minorité dans leur propre Etat. Certains penseurs, qu'il est difficile de reconnaître comme des amis de la sagesse, allait jusqu'à se déclarer très pessimistes sur l'avenir, et osaient avancer qu'il ne fallait pas que l'Etat d'Israël puisse servir de contexte dans lequel les Juifs viendraient à faire subir à sa minorité arabe ce que les Allemands ont fait subir à leur minorité juive. Ces propos scandaleux (voir Y. Leibowitz) ont été tenus en ignorant totalement que les populations musulmanes ont été les alliées du nazisme, aussi bien en terre d'Israël, avec les innombrables attaques contre la présence juive, qu'en Europe orientale, avec la mise sur pied des brigades pour porter main forte aux Allemands en Croatie. (Voir le documentaire: la croix gammée et le turban). Les victimes juives innocentes étaient assassinées pendant la seconde guerre mondiale par les nazis, les Polonais ou les Ukrainiens. Aujourd'hui, elles tombent sous les coups de musulmans fanatisés, ce qui rend d'autant plus abjects des propos décrivant les Juifs comme des bourreaux, quand les victimes juives se comptent par milliers depuis qu'Israël a suivi une politique insensée en armant et accordant l'autonomie à des tueurs sur ses propres terres, le tout dans l'intention de montrer au monde entier son intention de respecter plus que de raison les grands principes humanitaristes. La situation qui fait de la vie des habitants du sud d'Israël un cauchemar, alors qu'ils vivaient en paix jusqu'à il y a quelques années, et qu'une menace de bombardements semblait aussi impensables que grotesque, est elle aussi la conséquence directe de cette volonté de montrer au monde à quel point il n'a aucune raison de nous détester. Et il en est de même pour la mesure de la réaction israélienne qui, au lieu de bombarder l'ennemi globalement, frappe avec une précision chirurgicale les positions des terroristes qui actionnent les missiles, ou les bureaux des têtes de l'organisation qui porte trop bien son nom, le Hamas, de préférence quand ils sont vides. Pourtant, le monde ne semble pas majoritairement s'en soucier. Une autre attitude, bien qu'elle semble radicalement différer de celle des gouvernements qui se sont succédé en Israël depuis les gouvernements Shamir puis Rabin, souffre du même défaut. Il s'agit des explications et des solutions proposées par le professeur Mordekhaï Kedar. Il est vrai que sa connaissance de la langue et des cultures du monde arabe doit être saluée, ainsi que sa prestation sur la radio intégriste du Katar, quand il avait remis à leur place ceux qui se mêlent un peu trop des affaires intérieures d'Israël. Cependant, sa connaissance de l'arabe ne lui donne pas plus raison dans les solutions qu'il propose que la connaissance de l'allemand, le français ou le russe n'avait aidé les intellectuels juifs des siècles passés à mieux comprendre le fonctionnement de la motivation des ennemis des Juifs. En effet, selon Kedar, la situation serait calme parmi les populations arabes qui occupent la Judée-Samarie si Israël avait l'intelligence de les placer non pas sous l'autorité d'une administration où on leur impose des dirigeants qui leur sont étrangers mais sous l'égide de personnalités de l'intérieur, chefs des grandes familles locales. Cette position n'a rien de révolutionnaire dans la pensée du moment qu'elle ne présente qu'une variante de l'idée plus couramment répandue. Elle ignore au même titre que le pouvoir politique la nécessité d'affirmer l'identité d'Israël et son droit à se rétablir à Sichem ou à Beth-Lehem. Dans son cas, la nuance exige que ce ne serait plus l'autorité israélienne qui fait que les non-Juifs haïssent Israël, mais l'autorité d'Arabes de l'extérieur, cette autorité étant imposée indirectement par l'autorité israélienne. Autrement dit, c'est toujours Israël qui est responsable de la haine des populations où grandissent ses bourreaux. En revanche, l'argument de Shimon Pérès, qu'il a avancé pour se montrer rassurant après les terribles attentats qui ont suivi l'application des accords d'Oslo, est vide de sens du moment que la propagande du pouvoir mis en place dans les régions cédées à l'autorité terroriste distille la haine du Juif et de l'Israélien dès l'âge du biberon. Pérès soutenait que l'idée le la paix n'allait pas être admise en un jour, et qu'il faudrait du temps, une génération peut-être, pour que la normalisation soit admise dans les consciences, si consciences il y a. On aurait pu lui donner raison si les médias qui touchent ces populations leur avaient vanté les mérites et les avantages de la civilisation israélienne, montré des habitants arabes heureux de leur niveau de vie et de leurs libertés précisément lorsqu'ils travaillent avec Israël, et ainsi de suite. Or, Israël est plus que jamais présenté comme une nation illégitime assoiffée de sang non-juif, et son élimination, D. préserve, serait un devoir. Il serait temps qu'Israël se délie de cette mentalité qui le poursuit depuis l'émancipation. Il faut peut-être porter des lunettes de soleil pour ne plus être aveuglé par cette lumière du siècle du même nom et de ses conséquences politiques égalitaires, car elle a bien faibli depuis. Israël a été défini dans la célèbre bénédiction que lui a accordée le non-Juif Bilam, comme un peuple qui séjourne seul et qui ne tient pas compte des nations. C'est à ce prix qu'Israël pourra enfin accéder à la paix et à la liberté, et en commençant par cesser de toujours se considérer fautif de la haine que lui portent les autres, car c'est en effet, paradoxalement peut-être, cette trop grande responsabilisation de soi-même qui attise une haine encore plus grande qui se propage d'une manière inquiétante, et qui convainc à grande échelle que les plus grands terroristes ne tuent qu'en raison du désespoir que leur inspirent leurs proies.

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