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6 mai 2019 1 06 /05 /mai /2019 11:55
Le caractère d'une société se définit sur la base de sa population

Ce n'est pas le pays qui fait l'homme, c'est l'homme qui fait le pays. Ce n'est pas l'époque qui fait l'homme, mais encore une fois l'inverse.

Certaines phrases édictées péremptoirement comme des axiomes sonnent bien et suscitent le respect. Néanmoins, beaucoup ne veulent rien dire. Le langage journalistique dit qu'untel a trouvé la mort. Que gagnerait-on à le contredire en affirmant le contraire : que c'est la mort qui l'a trouvé? Certaines inversions de phrases impliquent une inversion de sens. Un chansonnier inversait le sujet et le complément d'objet de la prise entre l'homme et la mer. Son jeu de mot inversait le rapport de domination. Si vous prenez la mouche, ça a un sens. Si c'est la mouche qui vous prend, c'est déjà moins évident. Trêve d'élucubrations pseudo-comiques.

L'énoncé de départ peut susciter l'agacement. Prenons un pays dangereux au hasard : la Syrie. En quoi est-ce que ça change quelque chose, pour celui qui se retrouverait malencontreusement dans ce pays, que la Syrie ait rendu le Syrien dangereux ou que le Syrien ait rendu la Syrie infréquentable? Ça revient strictement au même.

Le problème réel démarre si vous décalez votre référentiel et que vous le placiez mettons en France. Bien que notre énoncé si joliment posé semble dénué de fond, nous pensons tous (ou presque) sans y penser que c'est le pays qui fait l'homme. Cette approche remonte à notre plus tendre enfance. Les cours de géographie nous présentent des pays déplorables et d'autres ou il fait bon vivre. Donc : vous êtes né au bon endroit. Les cours d'histoire nous présentent des époques de servage et de misère, d'autres avec une guillotine à chaque coin de rue, et enfin pour les plus jeunes une époque où vous ne courrez plus le risque d'être retranché de la vie en cas d'erreur judiciaire à votre détriment. Donc : vous êtes né à la bonne époque.

Pour vous, pour nous, c'est bien le pays et l'époque qui font que nous ne sommes pas des pilleurs violeurs trancheurs de têtes et que nous ne sommes plus des guillotineurs ou des guillotinés.

Et c'est précisément cette approche qui met en péril les acquis de notre civilisation. Nous l'allons montrer instamment. Notre indignation, jusqu'à une période encore récente, quand la société n'était pas trop moribonde, nous poussait à nous écrier : «Mais enfin nous sommes en France!» ou : «Mais enfin, nous ne sommes plus au moyen-âge!»  L'implication logique desdites exclamations exige que toute personne débarquée d'un autre pays ou d'une autre époque – cette dernière éventualité reste tout à fait réaliste dans la mesure où certains pays vivent relativement à des époques reculées technologiquement et mentalement, la seconde tare étant bien plus difficile à soigner que la première – se transforme d'un coup de baguette magique – en citoyen français moderne et empreint de civilité (nous évitons ici «civilisé» ou «civilisation» pour ne pas ouvrir la porte à une autre polémique, tout groupe ayant ses codes civilisationnels). 

Nous ne sommes pas capables de concevoir que des populations en migration d'Est en Ouest ou du Sud au Nord, pour converger vers la France et le reste du vieux continent, soient à même de faire basculer notre civilisation dans la misère et la violence qui sévit à leurs différents points de départ. Mais pourquoi serait-ce donc à ce point inimaginable?

C'est précisément parce que nous pensons que c'est le lieu et l'époque qui font la civilisation que le raisonnement suivant est possible : l'Europe souffre d'un déficit des naissances et d'un vieillissement de la population. Laissons-y un sang nouveau s'installer, et ce double problème sera réglé. D'où les mines attendries et hébétées d'officiels coupés du monde réel au regard de la forte natalité des natifs d'autres continents se retrouvant magiquement, d'un coup de naturalisation, nouveaux Européens qui travailleraient démographiquement pour l'Europe.

On n'a pas seulement fait appel à des mères porteuses venant remédier à la fatigue et au doute civilisationnels qui font qu'à quarante-cinq ans, on se demande encore si on n'est pas trop jeune pour fonder une famille ; on a réussi aussi à faire venir les inséminateurs. Il ne nous reste plus qu'à nous installer confortablement dans notre fauteuil et laisser le travail se faire tout seul, un peu à la manière du robinet qui remplit votre baignoire – que c'est beau le progrès – sans qu'il vous faille transporter de lourds seaux remplis d'eau.

Et c'est encore une fois cette conceptualisation qui nous fait éprouver de la compassion pour tel sujet débarqué de tel régime obscurantiste mû par un dogme politico-religieux prônant la razzia et l'égorgement de l'infidèle. C'est elle qui fait que nous sommes incapables de prudence qui devrait faire que nous le considérions a priori comme le fidèle ambassadeur de son pays. En offrant à ces arrivants l'égalité, l'insertion, en mettant à leur disposition d'énormes budgets d'intégration,  en les accueillant dans nos villes et nos banlieues, nous pensons en faire à terme nos égaux, nous pensons qu'ils s'estimeront heureux : «Et dire que mes parents étaient d'origine… Ah, ce qu'on est bien, ici! Quelle chance de vivre ici et maintenant!»

Néanmoins nous avons vu ces arrivants reforger le pays à leur image, les langues européennes s'étioler et s'absenter de l'école publique, la rue du folklore local d'antan disparaître du paysage et l'exotisme locataire se faire indigène et propriétaire, la soumission et l'absence de la femme de l'espace public représenter désormais le nouveau concept de sa liberté, les haut-parleurs modernes et hurlants supplanter progressivement les vieilles cloches d'airain non moins bruyantes cependant…

A contrario, doit-on faire sienne irrémédiablement l'autre extrémité de notre premier énoncé? Serions-nous réduits à la morale de la chatte métamorphosée en femme du sieur Lafontaine?

Brièvement, c'est l'histoire d'un homme seul qui apprécie tellement sa chatte (l'animal portant ce nom) qu'à force de prière, elle se transforme en femme. (Tout ce qui est souligné est extrait du texte original, sans changer une virgule).

«Il l'amadoue, elle le flatte». Le Français amadoue beaucoup celui dont il veut faire son égal, mais c'est encore lui qui le flatte. L'immigré le ressent bien : «Il m'amadoue, il me flatte».  Or donc : «Il n'y trouve plus rien de chatte, et poussant l'erreur jusqu'au bout, la croit femme en tout et partout, lorsque quelques souris qui rongeaient la natte troublèrent le plaisir des nouveaux mariés. Aussitôt la femme est sur pieds. Souris de revenir, femme d'être en posture […] tant le naturel a de force.» Puis : «En vain de son train ordinaire on le veut désaccoutumer.» Et enfin : «Qu'on lui ferme la porte au nez, il reviendra par les fenêtres». En termes plus actuels : «Chassez le naturel, il reviendra au galop».

Faudrait-il donc comprendre qu'incurablement, le rustre le sera pour l'éternité? Pas nécessairement. Car d'humain à humain, il ne s'agit pas d'une métamorphose, mais d'un changement de milieu. Mais alors, dans ce cas, nous contredirions-nous en disant que c'est le pays qui fait l'homme?

On peut appréhender la parabole de Lafontaine également ainsi : tant que cette créature vivra en côtoyant les gens de son nouveau milieu, elle poursuivra son effort d'adaptation. Et, même si elle compte encore dans sa langue de départ, ses enfants compteront dans celle d'arrivée. Mais qu'elle retrouve ce qui faisait d'elle ce qu'elle était, et automatiquement elle replongera. Le convalescent revenu d'une addiction ne doit plus rencontrer ses fréquentations du temps de son addiction.

Il ne faut pas laisser de souris ronger la natte! Si je suis un enfant martien admis dans une classe de terriens, si les terriens m'acceptent comme l'un des leurs et que je fasse tous les efforts pour être comme eux, je pourrais toutefois manger chez moi sans l'afficher ma nourriture martienne avec quelques autres comparses de ma petite minorité. Mais que des milliers de martiens débarquent, et ils me malmèneront et me considèreront comme un traître : «Toi? Terrien? Non mais pour qui tu te prends?»

Le Rav Aviner, dans son livre, «les Princes de l'humanité», s'interroge quant au plus sage des hommes. Comment pourrait-on accuser le roi Salomon, épris de piété, d'avoir épousé des femmes idolâtres? Il répond qu'il n'a jamais été question de cela en réalité. Salomon ne pouvait épouser une felle n'adhérant pas au monothéisme d'Israël. Seulement, les prosélytes étaient vraisemblablement acceptés en trop grand nombre à la fois, et cette quantité nuisait à la qualité de leur sincérité à la fois non éprouvée et mise à trop dure épreuve. Et certaines nouvelles venues avaient conservé leurs fétiches dans leurs bagages.

Conversion ou naturalisation, il faut laisser au corps absorbant sa capacité d'absorption, et l'abus de naturalisation ne saurait chasser le naturel.

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