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18 janvier 2018 4 18 /01 /janvier /2018 11:30

Israël accusé pour sa trop grande bonté

Que recherche-t-on par la publication d'un article, d'une opinion, d'une analyse ou d'une réflexion? Faut-il avoir le premier mot ou le dernier mot, le premier ou le dernier à en parler? S'il s'agit d'une information, il semble évident qu'il vaut mieux être le premier, surtout quand il est question de faits qui vont a priori faire le tour du monde. En revanche, lorsque l'on présente l'explication d'un phénomène géopolitique ou social, les avis sont partagés. On peut vouloir être le premier à donner son point de vue, mais on peut aussi attendre que l'engouement se tasse pour n'intervenir que si l'on constate que l'angle sous lequel on appréhende la question n'a pas été évoqué au moment du déferlement d'encre virtuelle sur les nouveaux médias tels les téléphones digitaux, les ordinateurs portables et autres téléscripteurs modernes.

Donc, le président américain a pris la décision de transférer son ambassade en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem. Il a par conséquent concrétisé la reconnaissance par les Usa de la centralité du mont Moria où s'affirme le démarrage de l'histoire hébraïque en 2085 de l'ère du même nom, et ou sera construit le Premier Temple moins d'un millénaire plus tard, dans l'âme et l'histoire du peuple d'Israël.

Maïmonide, dans ses lois de la Maison d'Election (2, 2), évoque en quelques mots la centralité universelle puis ponctuelle du Mont du Temple : «La tradition admise de tous veut que le lieu où David et Salomon édifièrent l'autel, là où se trouvait la grange Aravna, est le lieu où Abraham bâtit son autel et y ligota Isaac ; c'est le lieu où Noé construisit [son autel] en sortant de l'arche, et c'est le lieu où Caïn et Abel firent leurs offrandes. C'est le lieu où Adam offrit son sacrifice, lorsqu'il fut créé, et c'est à partir de ce lieu qu'il fut créé. Les Sages dirent : "Adam, c'est sur le lieu de son expiation qu'il a été créé"».

Certains affabulateurs médiatiques – en gros tout ce qui brandit un micro – ont tout de suite vu rouge et agité des drapeaux noirs, prétendant s'indigner d'un retournement radical de la direction du leadership américain. Pourtant, l'honnêteté la plus élémentaire serait de pousser un grand soupir de soulagement : «Aaah! Enfin! Et ben c'est pas trop tôt!» puisque Trump, comme susdit, n'a en fait que rendue effective la décision prise démocratiquement par le Congrès en octobre 1995.

Une date buttoir avait même été avancée : le 31 mai 1999. Peut-être eût-il fallu interroger les élus américains responsables quant aux motivations du choix de cet instant, car elle occupe une place non négligeable dans l'inconscient occidental, comme en témoignait déjà environ trente ans à l'avance, la série télévisée, américaine elle aussi, de Cosmos 1999. En filigrane, le message de cette série consiste à dire que l'humanité peut jouer aux apprentis sorciers tant que ça lui chante, mais jusqu'à la date dé péremption, où il faudra rendre compte de ses actes, et du sabotage amorcé très tôt de notre univers. L'an 2000 devait être la fin du monde. Des sectes en ont fait leur beurre : inscrivez-vous vite pour ne pas manquer votre suicide collectif, fonds de commerce lucratif, et échapper au châtiment.

La psychose était si puissante en Europe qu'elle en a en quelque sorte influé sur le cours de la nature, avec la fameuse tempête du siècle qui a frappé deux grands coups juste avant le passage à la date fatidique. Mais un subconscient du subconscient y a discerné peut-être une autre fin du monde, celle où le Dieu d'Israël exigerait des comptes de cette humanité qui s'est montrée vorace tels les soixante-dix loups auxquels elle est comparée. Le Midrach (Yalkout Chimoni Deutéronome chap. 10), rapporte que les éloges : «Le Dieu grand, puissant et terrible», avaient été réduits lors de la destruction du Temple par Jérémie : «Des Chaldéens coassent dans son Sanctuaire…»  qui fit retirer «terrible» et Daniel : «Des Chaldéens esclavagistes soumettent ses enfants…», qui ne fit garder que l'adjectif de grandeur. Les Sages de la Grande Assemblée rétablirent la formule complète. Où se trouvent donc les aspects puissants et terribles du Dieu d'Israël? Dans la résistance exceptionnelle de «la brebis au milieu des soixante-dix loups affamés». Ces loups étant les nations, et l'heure de vérité approchant, il fallait donc montrer patte blanche avant que les dés ne soient irrévocablement jetés. D'ailleurs, des Accadiens pourtant non convertis à l'orphisme il ne reste que des traces.

Mais les pulsions traditionnelles irrationnelles ne s'avouent pas vaincues si facilement. Le cap du millénaire, une fois franchi, désamorce la psychose mondiale, et les rancœurs  en veilleuse ne tardent pas à reprendre des forces. Et il se peut fort que ce ne soit pas non plus par hasard, que la plus grande offensive médiatique avec accusation de crime rituel, adaptée au goût du jour bien sûr, se soit déchaînée dès qu'il fut constaté que le calme avait repris ses droits après la tempête du siècle, qui n'a donc pas été l'avant-goût de la dévastation de la planète terre. Et ces mêmes pulsions fâchent un grand nombre qui assiste médusé à une reconnaissance qui pourtant ne fait que passer de de jure à de facto, en tout cas de moins en moins théoriquement, puisqu'entretemps, l'Administration américaine a acheté l'hôtel Diplomat. Mais les indignés avaient pris pour acquis le rituel de Clinton Bush Obama, qui consistait régulièrement, tous les six mois, à reconduire la concrétisation de cet engagement, contournant la loi en exploitant l'une de ses sections. Ce transfert s'inscrit donc dans la suite logique de cette normalisation entamée vingt-deux ans plus tôt.

Israël est sûr de lui, attaquons ses «brebis galeuses»

Pour une fois, Israël est sûr de lui. Il n'a pas eu la peur de sa vie escomptée par beaucoup de faux prophètes prétendument inquiets pour lui et pressés de le pousser à sauver sa peau en s'opposant lui-même à cette reconnaissance, qui n'a plus existé pendant près de deux mille ans, depuis la destruction du Temple par les Romains. Et Israël devrait procéder à sa propre flagellation, prendre le fouet qu'on lui tend et continuer à se mortifier tout seul, puisqu'il a largement eu le temps de comprendre la leçon.

Mais non, rien à faire, Israël vit sa vie, et ne juge pas utile de leur répondre, hormis çà et là quelques discours, fameux il est vrai, de mise au point, histoire de réfuter les ardeurs fanatiques, au cas où les détracteurs seraient tentés de conclure que «qui ne dit mot consent». Car même des diplomates souvent frileux revendiquent le lien trimillénaire de la capitale des Juifs. il remonte à une époque antédiluvienne pour ceux dont les pères chassaient le mammouth ou le dinosaure, à en croire les gardiens de leur mémoire, à coups de silex.

D'où le nouveau discours antijuif :

Si Israël reste stoïque et indifférent à la haine pourtant nettement étayée, il ne reste plus qu'à s'en prendre à ses saints. Allons attaquer les Juifs d'Europe en les accusant de double allégeance, ça faisait longtemps, voire de simple allégeance exclusivement vouée à Israël. Les tenants d'un judaïsme ou d'un nationalisme juif allégé de tout ce qui nécessite beaucoup de courage et de conviction pour être assumé, ou les adeptes adaptés au décor de formes dérivées du judaïsme authentique pour faire plaisir et bien se faire voir des autres, tous en porte-à-faux avec leurs valeurs, ne nous intéressent pas. Ce que nous cherchons, c'est de provoquer de front et de mettre en difficulté les fidèles d'un judaïsme sans complexes, et, pourquoi pas, de les obliger à abjurer ou, le cas échéant, à reconnaître qu'ils sont personnellement responsables de cette importation de conflit, argument que nous avons presque abandonné depuis que nous avons été accusés d'être permissifs et empathiques envers l'antisémitisme musulman. Telle est la démarche journalistique ou politique qui se remet à sortir ses griffes.    

Israël, sa gentillesse le perdra

Une interview intéressante a mis le président du Consistoire en face-à-face avec un journaliste qui peut être considéré comme le porte-voix ou parole de cette approche accusatrice. La tentation et la tentative de l'interviewer était aussi de brouiller les relations entre l'organisme représentatif et le pouvoir. Le travail du porte-micro a été de mettre en conflit la satisfaction des Juifs de la démarche américaine d'une part et la position de Macron dont le discours officiel laisse assurément entendre qu'il ne reconnaît pas la souveraineté d'Israël sur l'emplacement de ses trois Temples, d'autre part. L'interviewé doit donc se laisser enfermer dans les limites de la chambre noire tracées par la dialectique des questions, et en venir à trahir soit son attache à Jérusalem, soit le rapport de confiance entretenu entre la communauté juive et le président français.

J'ai été agréablement surpris par la maîtrise du discours et du jeu diplomatique du président du consistoire. Il a simplement refusé de courber l'échine et a brisé les carcans de cette chambre noire. Sa position a oscillé entre «l'un n'empêche pas l'autre» et un «je n'ai pas envie d'entrer dans ton jeu», sous-entendu, bien sûr.

Quant à la question en soi du retour d'Israël sans partage en la terre de ses racines, la démarche repose sur des clichés, le plus gros –mais plus c'est gros, plus ça passe – restant celui de Jérusalem-Est. «Mais puisqu'on vous l'a prise, la cité de Jérusalem, pourquoi imaginez-vous que vous allez le reprendre? Acceptez donc ce fait accompli de l'occupation qui vous est extrinsèque, puisque vous aimez la paix» peut-on entendre ou lire en filigrane.

Serait-ce à dire que le monde entier, ou du moins sa partie qui procède de cette démarche, reproche à Israël d'avoir été trop bon? Il va de soi que la non-affirmation et confirmation des droits d'Israël sur son sol, lorsqu'il n'a pas fait partir ses ennemis vaincus, et qu'il les a laissés de surcroît s'étendre jusqu'à asseoir leur occupation sur des pans entiers de Jérusalem, fournit de l'eau au moulin des détracteurs, ce qui est bien loin de les convaincre qu'Israël doit être respecté en tant que pays et armée les plus moraux du monde. Paradoxalement, c'est sa gentillesse qui le fait passer pour le méchant.

Et pourtant, l'occupant arabo-musulman sinon sanguinaire du moins intolérant, qui impose sa présence à Jérusalem, et qui empêche le Juif de vivre et de se déplacer librement où bon lui semble dans sa capitale en assujettissant les forces vives d'Israël, ne bénéficie pas d'une appellation ou d'un label spécial, contrairement à la propagande qui a par contre, concernant l'ensemble du pays, fabriqué le Nouveau «Palestinien», argument faux mais fort pour évincer l'Ancien Palestinien. La majuscule est à dessein.

Ce ne sont pas les musulmans ou les chrétiens qui subiraient les effets d'une indignation provoquée par des Vaticaniens ou des Mecaniens, puisqu'ils n'ont jamais toléré la présence et encore moins l'installation d'entités qui ne seraient pas à l'unisson avec leurs doctrines respectives. Effectivement, les Vaticaniens et les Mecaniens n'existant pas, il n'y a par conséquent aucun argumentaire qui mettrait en avant un Vatican-Est ou une Mecque-Est. Autre conséquence, si le Vatican ou la Mecque rénovent leur partie Est, et que les catholiques et musulmans de Paris en éprouvent une grande joie, aucun catholique ni aucun musulman ne sera soupçonné de double ou simple allégeance. Ce serait un fait religieux, sans plus.

Yéochoua Sultan ©

 

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